Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 29-30).

NÉITH GÉNÉRATRICE.

(athène, physis, minerve.)
Planche 6 ter

Selon les débris de la doctrine égyptienne, épars dans les écrits des derniers Platoniciens et dans les livres hermétiques, la déesse Néith, ou la Minerve égyptienne, ne formait qu’un seul tout avec le démiurge Amoun, à l’époque même qui précéda la création des ames et celle du monde physique. C’est en la considérant dans cet état d’absorption en l’Être premier, que les Égyptiens qualifièrent Néith de divinité à la fois mâle et femelle. Le monde étant composé de parties mâles et de parties femelles[1], il fallait bien que leurs principes existassent dans le dieu qui en fut l’auteur. Aussi, lorsque le moment de créer les ames et le monde arriva, Dieu, suivant les Égyptiens, sourit, ordonna que la nature fut, et, à l’instant, il procéda de sa voix un être femelle parfaitement beau (c’était la nature, le principe femelle, Néith.), et le Père de toutes choses la rendit féconde[2]. On retrouve dans cette naissance de Néith, émanation d’Ammon, la naissance même de l’Athène des Grecs, sortie du cerveau de Zeus.

Notre planche représente Néith, mâle et femelle, la déesse Ἀρσενόθηλυς d’Horapollon[3]. La tête centrale de femme est celle même de la déesse (voyez pl. no 6.), surmontée de la coiffure pschent, emblême de la domination sur les régions supérieures et inférieures ; la tête de gauche est celle d’un vautour, symbole de la maternité et du principe femelle ; et celle de droite, qui est une tête de lion, caractérise la force. Proclus nous apprend, en effet, que Néith était regardée par les Égyptiens, comme la force de la nature qui meut tout[4]. La déesse étend ses bras auxquels sont attachées deux ailes immenses, ce qui caractérise parfaitement encore la Minerve égyptienne, qui, selon Athénagore, était un esprit étendu en tous lieux[5]. Le corps de Néith, couvert d’une tunique soutenue par deux bretelles, est celui d’une femme auquel est adapté le signe spécial du principe mâle ; des pieds de lion portent cette image panthée de Néith, comme l’image panthée du Démiurge Amon-Ra (voyez pl.  5).

Cette singulière représentation de Néith, mâle et femelle, se trouve plus ou moins complète dans les peintures des grands manuscrits hiéroglyphiques. La légende (A) qui s’y rapporte, signifie simplement La mère ; ailleurs, le vautour, caractère principal de ce nom, et l’emblême spécial de la déesse, est combiné avec le fouet (B), ou suivi de plusieurs autres signes (C) qui formaient la légende Ⲧⲙⲁⲩ ⲧⲇⲣ, Mater magna Domina. Il est évident qu’un des noms hiéroglyphiques de Néith, composé du vautour et du scarabée, nom expressément indiqué par Horapollon[6], se rapportait à Néith Ἀρσενόθηλυς ; ces deux caractères exprimaient, en effet, le premier le sexe féminin et la maternité, le second le sexe masculin et la paternité.

La croyance populaire voulait que Néith eût été l’inventrice de l’art de filer[7] ; c’est là une nouvelle conformité entre la déesse égyptienne et l’Athène des Grecs. La troisième grande fête des Égyptiens était célébrée à Saïs, et dans toute l’Égypte, en l’honneur de Néith ; pendant cette nuit solennelle, chacun allumait en plein air des lampes autour de sa maison ; cette fête porta le nom de Fête des lampes ardentes, et l’on donnait une raison sainte de ces illuminations[8].

C’est d’un très-beau manuscrit égyptien hiéroglyphique rapporté d’Égypte par le courageux voyageur Belzoni, que nous avons extrait l’image de Néith-Panthée, figurée sur cette planche. D’autres manuscrits ne donnent à la déesse, toujours mâle et femelle, que la tête seule de lion.


Notes
  1. Horapollon, liv. I, no 12.
  2. Hermès, liber sacer, apud Joan. Stos., Eclog. lib. I.
  3. Horapollon, liv. I, no 13.
  4. Proclus, in Timæum. — Plat., p. 30.
  5. Athenagor., Legat. pro Christian., p. |24, B.
  6. Horap., liv. I, no 12.
  7. Eustathe, sur Homère, Iliade I.
  8. Hérodote, II, §. 63.

——— Planche 6 ter ———