Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 25-26).

NÉITH.

(l’athène, ou la minerve égyptienne.)
Planche 6

La divinité qui porta les noms d’Amon, Amon-Ré, Cnèph ou Cnouphis, fut, comme on a pu le voir, le principe générateur mâle de l’univers. Les Égyptiens symbolisèrent, dans le personnage de Néith, le principe générateur femelle de la nature entière.

Ces deux principes, étroitement unis, ne formaient qu’un seul tout dans l’être premier qui organisa le monde. De là vient que les Égyptiens considéraient Néith comme un être à la fois mâle et femelle[1] (άρσενοθελυς), et que le nom propre de cette divinité exprimait en langue Égyptienne, comme nous l’apprend Plutarque, l’idée : Je suis venue de moi-même[2].

La déesse Néith occupait la partie supérieure du ciel[3]. Inséparable du Démiurge, elle participa à la création de l’univers, et présidait à la génération des espèces ; c’est la force qui meut tout[4].

Le culte de cette divinité, général dans toute l’Égypte, comme les monuments le prouvent, était spécialement pratiqué dans la ville principale de la Basse-Égypte, à Saïs, où résidait un collége de prêtres. Le temple de la déesse portait l’inscription fameuse : Je suis tout ce qui a été, tout ce qui est, et tout ce qui sera ; Nul n’a soulevé le voile qui me couvre ; Le fruit que j’ai enfanté est le Soleil[5]. Il serait difficile de donner une idée plus grande et plus religieuse de la divinité créatrice.

Néith était le type de la force morale et de la force physique. Elle présidait à la sagesse, à la philosophie, et à l’art de la guerre[6] ; c’est pour cela que les Grecs crurent reconnaître, dans la Néith de Saïs, leur Athène, la Minerve des Latins, divinité également protectrice à la fois, et des sages, et des guerriers.

Les Égyptiens consacrèrent à Néith le vautour, animal qui, dans leurs idées, fut le symbole fixe, et du sexe féminin, et de la maternité[7]. Cet emblême se rapportait parfaitement à la déesse Néith, le principe femelle de l’Univers, à la déesse mère de tous les êtres créés.

Les monuments égyptiens nous montrent Néith debout, ou assise sur un trône, à côté d’Amon-Ré, le premier principe mâle. La déesse, dont les chairs sont parfois peintes en bleu comme celles de son époux, mais plus ordinairement en jaune, comme toutes les femmes figurées sur les bas-reliefs égyptiens, a pour coiffure un vautour, les ailes déployées, oiseau qui lui était spécialement consacré. Il est surmonté du pschent, coiffure royale, emblême de la toute-puissance. La tunique, formée de plumes, est soutenue par des bretelles qui passent sous un riche collier. Quatre bracelets ornent les bras de la déesse ; les parties inférieures de son corps sont recouvertes par les replis de deux grandes ailes de vautour. L’emblême de la vie divine est dans sa main droite ; la gauche porte le sceptre terminé par les fleurs de lotus épanouies, sceptre commun à toutes les déesses égyptiennes.

La légende ordinaire de Néith est celle qui accompagne son image dans notre planche. Son nom est formé du segment de sphère, Τ, article féminin de la langue égyptienne, et encore du vautour, emblème et première lettre du mot Mère (Mou ou Mout), en écriture hiéroglyphique. Cette légende abrégée se lit ⲧⲙⲟⲩ ⲛⲏⲃ ⲙⲡⲩⲡⲉ, et signifie : La mère, dame de la région supérieure. Les monuments sont donc parfaitement d’accord avec Horapollon, qui dit formellement aussi[8] que les Égyptiens voulant écrire Athène (Néith), peignaient un vautour, et, de plus, que cette déesse présidait à l’hémisphère supérieur du ciel.

Comme protectrice des guerriers, Néith se montre sur les bas-reliefs de Thèbes, recevant l’hommage des rois conquérants, qui conduisent à ses pieds les étrangers vaincus. C’est devant les images colossales de Néith que les rois vainqueurs, sculptés sur les pylones des grands édifices, semblent frapper un groupe confus de prisonniers élevant leurs bras suppliants ; c’est enfin le vautour de Néith, portant dans ses serres l’emblême de la victoire, qui plane au-dessus de la tête des héros égyptiens, pendant le combat, et après la victoire, comme dans la cérémonie de leur triomphe.


Notes
  1. Horapollon, liv. I, hierog. 13.
  2. Plutarch., de Iside et Osiride.
  3. Horapollon, liv. I, hierog. 12.
  4. Proclus, in Timæum.
  5. Plutarch. de Iside et Osiride. — Proclus, in Timæum.
  6. Proclus, idem.
  7. Horapollon, liv. I, hierogl. 11.
  8. Idem, hierogl. 12 et 13.

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