Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 23-24).

AMON-RÉ, ROI DES DIEUX.

 
Planche 5

Le personnage symbolique, occupant la partie inférieure de la planche no 5, est fort rarement reproduit sur les monuments égyptiens de toutes les époques. Il est tiré, ainsi que sa légende, et les diverses couleurs qui couvrent les membres variés dont il se compose, d’un fragment de manuscrit sur toile appartenant à M. Dubois.

La légende hiéroglyphique, placée à la gauche du personnage, n’est qu’une abréviation d’une légende entière, et qui se lit Ⲁⲙⲛ ⲣⲏ-ⲥⲧⲛ ⲛⲛⲉⲛⲉⲩⲧⲉ et signifie Amon-Ré, roi des dieux. Nous avons donc ici une nouvelle forme consacrée à la représentation du Démiurge ou créateur de l’univers ; mais cette image du dieu suprême doit être classée parmi celles que, en termes d’archéologie, on a nommées figures panthées, soit qu’elles présentent, réunis dans un seul être, les symboles particuliers à un grand nombre de divinités différentes, soit, ce qui est plus naturel et qui s’applique particulièrement à notre gravure, qu’elles offrent la réunion de tous les symboles et de toutes les formes propres à une seule et même divinité. On ne connaissait point jusque-là de figure panthée égyptienne.

On retrouve, en effet, dans celle-ci, la tête humaine avec les deux longues plumes, et le sceptre, de l’image ordinaire d’Amon (pl. 1) ; les têtes de bélier, le disque et les cornes de bouc d’Amon-Cnouphis ou Cnèph (pl. 3) ; le bras droit armé du flagrum ou fléau, et le phallus de l’Amon-Générateur (pl. 4) ; le scarabée qui forme son torse ; le sceptre composé de la croix ansée et de ce qu’on appelle un nilomètre, l’un emblême de la vie divine, l’autre de la stabilité, se rapportent à Phtha, le premier être créé, la première émanation d’Amon-Cnouphis.

Les quatre ailes horizontales sont celles du scarabée, symbole de la génération, du monde et de la paternité ; les ailes inclinées sont celles de l’épervier, dont le corps est annexé au scarabée ; une queue de crocodile est entre l’épervier et la queue d’un lion, dont les pattes portent le personnage entier. Cette figure représentant Amon-Cnouphis, l’esprit qui pénètre, parcourt et vivifie les différentes parties de l’univers, il était convenable de composer son image symbolique des diverses classes d’êtres qu’anime son souffle créateur. On y remarque, en effet, un épervier, un lion et un crocodile ; c’est-à-dire un type des trois classes d’animaux qui peuplent les airs, la terre et l’eau.

Les deux plumes de la coiffure sont surmontées de deux serpents à tête de lion, qui laissent échapper deux jets de lumière, représentée par une suite de petits triangles, qui servent en quelque sorte d’encadrement à la figure Panthée. Ces serpents se rapportent, sans aucun doute, aux quatre déesses à tête de lion, qui versent aussi la lumière, compagnes ordinaires d’Amon-Ré dans plusieurs scènes symboliques. Il en sera question dans la partie du Panthéon relative aux animaux sacrés et aux emblèmes des dieux.

Amon-Ré est figuré selon la forme A de notre cinquième planche, sur un bas-relief de Thèbes[1] ; c’est un abrégé de la précédente.

Une troisième figure Panthée d’Amon-Ré, à peu près semblable à la première, décore la partie antérieure du fameux torse égyptien du Musée Borgia, qui appartient aujourd’hui à la propagande ; elle porte la simple légende, Seigneur suprême ; la face humaine du dieu est flanquée de plusieurs têtes d’animaux différents ; on y remarque celle d’un taureau, d’un lion, d’un bélier, d’un crocodile et d’un épervier. Cette réunion d’êtres si différents de nature, pour représenter la puissance démiurgique, s’explique par l’idée que les Égyptiens se formaient de Dieu : « Ils le considéraient comme la cause première de la génération, le principe de la nature entière, comme un être antérieur à toutes choses, et qui comprend toutes choses en lui-même[2]. »

Le titre le plus ordinaire des rois égyptiens, et des grands personnages, fut celui de consacré à Amon-Ré roi des dieux, ou de purifié par Amon-Ré, roi des dieux. C’était la divinité protectrice des pharaons, celle qui recevait leurs plus riches offrandes, et à laquelle ils consacrèrent les plus beaux monuments.


Notes
  1. Description de l’Égypte, Antiquités, vol. III, pl. 64.
  2. Iamblique, Mystères des Égyptiens, sect. VII, chap. 2.

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