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ANNÉE 1767
7213. — DE M. HENNIN[1].
À Genève, le 19 mars 1768.

Il y a du changement, monsieur, dans ce qui m’a conduit chez vous hier. Tandis que j’étais à Ferney, M. et Mme de T… ont consulté leurs parents sur le mémoire que vous m’avez envoyé. On a trouvé la terre trop chère, du moins pour leur fortune, qui est d’environ vingt mille livres de rente y compris une maison en ville. Ils avaient cru que Ferney n’irait qu’à cent cinquante ou soixante mille livres, et voulaient le payer argent comptant. Ils avaient même pris des arrangements pour avoir cette somme en signant le contrat. Comme j’ai su leurs intentions en arrivant, je n’ai point envoyé votre lettre à M. Tronchin, et j’ai l’honneur de vous la remettre. Ainsi le marché que vous avez avec lui n’est pas rompu. Au reste votre dessein de vendre occupe beaucoup ici, et je ne doute pas que vous n’ayez d’autres offres. Faites-moi le plaisir de me marquer si toute votre terre est de l’ancien dénombrement.

Je suis très-fâché, et pour vous, et pour mes amis, que cette affaire n’ait pas pu s’arranger. Ils en avaient la plus grande envie ; mais on leur a représenté qu’ils se mettraient trop à l’étroit. Quant à l’acquisition en elle-même, je la trouve si bonne que je voudrais être en état de faire avec vous le marché dont je vous ai parlé qui vous laisserait jouir de l’ouvrage de vos mains.

Tout ce qui pourra vous retenir à Ferney me paraîtra avantageux. Tournay est un vilain manoir, surtout en hiver, et j’avoue que je n’aime pas à vous voir semer dans le champ de monsieur le président[2].

Pardon, monsieur, du peu de succès de mes soins. Ils n’avaient pour objet que de vous donner une preuve de mon dévouement, et vous ne devez pas douter du plaisir avec lequel je saisirai toujours les occasions de faire ce qui vous sera agréable, personne ne vous étant plus attaché que je le suis et le serai à jamais.

7214. — À M. LE CHEVALIER DE TAULÈS.
21 mars.

J’ai déjà eu l’honneur, monsieur, de vous répondre[3] sur l’accord honnête de deux puissants monarques pour partager ensemble les biens d’un pupille. Je vous ai dit même, il y a longtemps, que j’avais déjà fait usage de cette anecdote. Je ne vous ai pas laissé ignorer que, dans la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV (commencée il y a plus d’un an, et retardée par les

  1. Correspondance inédite avec P.-M. Hennin, 1825.
  2. Charles de Brosses, premier président du parlement de Bourgogne.
  3. Voyez les lettres 6975, 7072.