Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6975

Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 346-347).
6975. — À M. DE BARRAU[1].
À Ferney, 11 auguste.

Monsieur, on fait actuellement une nouvelle édition du Siècle de Louis XIV. Je fais usage de toutes les observations que vous eûtes la bonté de me communiquer il y a plus d’une année, et je vous réitère mes très-humbles remerciements ; souffrez qu’en même temps je vous envoie ce Mémoire[2]. Il est fait pour venger la vérité que vous aimez, et l’honneur de la maison royale que vous servez. J’ai été forcé à cette démarche par ces deux motifs. Je soumets le mémoire à vos lumières et à vos bontés.

On m’a assuré qu’en 1685 ou 1686, il y eut un étrange traité entre l’empereur Léopold et Louis XIV, qui fut à peu près dans le goût du traité de partage fait si longtemps après. Léopold devait laisser le roi s’emparer de toute la Flandre, à condition qu’à la mort du jeune Charles II, qui était d’une complexion très-faible, Louis XIV laisserait Léopold s’emparer de l’Espagne. Le traité fut très-secret, on n’en fit point de double, et l’original devait être remis au grand-duc de Florence. Louis XIV trouva moyen de l’avoir en sa possession. Les Mémoires de Torcy indiquent ce fait d’une manière assez confuse, et vous devez, monsieur, en avoir des preuves certaines. C’est une vérité que le temps permet enfin de révéler.

Si vous aviez d’ailleurs quelques instructions à me donner sur tout ce qui peut faire honneur à la patrie et au ministère, vous pourriez compter sur ma docilité, sur ma discrétion, et sur ma reconnaissance.

J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire.

  1. C’était sous ce nom que le chevalier de Taules avait envoyé à Voltaire des remarques sur le Siècle de Louis XIV ; voyez tome XLIV, page 44 ; et ci-après la lettre 7065.
  2. Celui qui est tome XXVI, page 355.