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ANNÉE 1766.

« M. de Voltaire, ne se croyant pas en sûreté dans son château des Délices, s’est retiré à Lausanne et a écrit au roi de Prusse pour lui demander un asile à Wesel, etc. »

Ceux qui vous ont fourni cette nouvelle vous ont trompé sur tous les points.

Je ne demeure point aux Délices. Les Délices ne sont point un château. Je suis très-malade depuis longtemps dans ma terre de Ferney.

Je n’ai point été à Lausanne ; je n’ai point écrit au roi de Prusse, et je n’ai point besoin d’asile.

Je vous prie de vouloir bien rendre justice à la vérité et de dissiper un bruit qui n’a pas le plus léger fondement.

Quant aux livres que vous m’attribuez faussement et d’après des bulletins mensongers de Paris, vous avez trop d’équité pour m’imputer dorénavant des ouvrages suspects, qui pourraient m’exposer à des dangers sous un gouvernement moins juste que le nôtre. Si j’écrivais de telles nouvelles, je voudrais au moins qu’elles fussent vraies. Vous avez le talent d’intéresser ; j’espère qu’à l’avenir vous pratiquerez à mon égard l’art de se taire.

J’ai l’honneur d’être, etc.


6489. — À M. LE COMTE D’ESTAING[1].
Ferney, 8 septembre.

Monsieur, la lettre dont vous m’honorez, et les instructions qui l’accompagnent, m’inspirent autant de regrets que de reconnaissance. Si j’avais été assez heureux pour recevoir plus tôt ces mémoires, j’aurais eu la satisfaction de rendre à votre mérite et à vos belles actions la justice qui leur est due[2]. Je ne suis instruit qu’après trois éditions ; mais si je vis assez pour en voir une nouvelle, je vous réponds bien du zèle avec lequel je profiterai des lumières que vous avez la bonté de me donner.

Je vois que vos connaissances égalent votre bravoure. Je n’ai

  1. Charles-Hector (ou, suivant d’autres, Jean-Baptiste-Charles), comte d’Estaing, né en 1729, mort sur l’échafaud révolutionnaire le 28 avril 1794 ; il était fils de Charles-François ; voyez tome XXXIV, page 17.
  2. Dans le chapitre de son Essai sur l’Histoire générale, où il parle des affaires de l’Inde, Voltaire n’avait point fait mention du comte d’Estaing. Malgré ce qu’il dit ici, le comte d’Estaing n’est pas nommé dans le Précis du Siècle de Louis XV, où fut refondu le chapitre de l’Essai sur l’Histoire générale ; mais d’Estaing est loué dans les Fragments sur l’Inde ; voyez tome XXIX, page 131.