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ANNÉE 1766.

en Allemagne depuis quelques mois ; il est intitulé Examen critique des Apologistes[1]. On dit que c’est un excellent livre, plein de recherches curieuses et de raisonnements vigoureux ; les connaisseurs en font un très-grand cas. Je vous serai très-obligé de me faire avoir la critique de Thomas[2], la Cacomonade[3] et l’Histoire des Jésuites. J’ai le mémoire des sept avocats[4] : il ne me parait pas si intéressant que les extraits[5] que vous enverrez sans doute à votre correspondant : surtout gardez-vous de nommer celui qui a fait tenir ces extraits. La personne dont vous vous plaignez[6] est inébranlable dans la fermeté de ses sentiments, et met dans l’amitié une chaleur toujours active. Elle aura peut-être été effarouchée d’un peu de tiédeur ou de mollesse qu’on vous reproche quelquefois, et de cette insensibilité apparente qui vous fait oublier vos amis pendant plusieurs mois ; mais il faut pardonner à vos maladies. Nous prenons toujours les eaux en Suisse avec Mlle  Corneille. Je crois vous avoir mandé[7] que votre correspondant a donné cinq cents francs aux Sirven. Je m’étais trompé, c’est cent écus d’Allemagne ; mais c’est toujours un bienfait honorable dont ils doivent être reconnaissants. Je vous souhaite une meilleure santé qu’à moi, et je vous embrasse de tout mon cœur. J’aimerai toujours mon ancien ami.


6441. — DE M.  DIDEROT[8].
Paris, 1766.

Monsieur et cher maître, je sais bien que quand une bête féroce a trempé sa langue dans le sang humain, elle ne peut plus s’en passer ; je sais bien que cette bête manque d’aliment, et que, n’ayant plus de jésuites à manger, elle va se jeter sur les philosophes. Je sais bien qu’elle a les yeux tournés sur moi et que je serai peut-être le premier quelle dévorera ; je sais bien qu’un honnête homme peut en vingt-quatre heures perdre ici sa fortune, parce qu’ils sont gueux ; son honneur, parce qu’il n’y a point de lois ; sa liberté, parce que les tyrans sont ombrageux ; sa vie, parce qu’ils comptent la vie d’un citoyen pour rien, et qu’ils cherchent à se tirer du mépris par des

  1. Voyez une note sur la lettre 6306.
  2. Examen d’un discours de M.  Thomas qui a pour titre : Éloge de Louis, dauphin de France ; Paris, Dehansy, 1766, in-8o de iv et 64 pages.
  3. Ouvrage de Linguet, dont, il est parlé dans l’avertissement de Beuchot du tome XXI, page xii. L’Histoire impartiale des jésuites est du même auteur.
  4. Il y en avait huit ; voyez lettre 6410.
  5. Voyez les lettres 6415 et 6430.
  6. Voltaire lui-même.
  7. Lettre 6432.
  8. Édition Assézat et Tourneux. — Réponse à la lettre 6425.