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6387. — À MADAME GEOFFRIN,
à varsovie[1].
5 juillet.

Vous êtes, madame, avec un roi qui, seul de tous les rois, ne doit sa couronne qu’à son mérite. Votre voyage vous fait honneur à tous deux. Si j’avais eu de la santé, je me serais présenté sur votre route, et j’aurais voulu paraître à votre suite. Je ne peux mieux faire ma cour à Sa Majesté et à vous, madame, qu’en vous proposant une bonne action : daignez lire, et faire lire au roi, le petit écrit ci-joint[2]. Ceux qui secourent les Sirven, et qui prennent en main leur cause, ont besoin d’être appuyés par des noms respectés et chéris. Nous ne demandons qu’à voir notre liste honorée par ces noms qui encouragent le public. L’aide la plus légère nous suffira. La gloire de protéger l’innocence vaut le centuple de ce qu’on donne. L’affaire dont il s’agit intéresse le genre humain, et c’est en son nom qu’on s’adresse à vous, madame. Nous vous devrons l’honneur et le plaisir de voir un bon roi secourir la vertu contre un juge de village, et contribuer à extirper la plus horrible superstition. J’ai l’honneur d’être, etc.


6388. — À MADAME D’ÉPINAI.
6 juillet. Partira par Lyon je ne sais quand.

Je bénis la Providence, ma respectable et chère philosophe, de ce que votre pupille va devenir tuteur[3] ; s’il y a un corps qui ait besoin de philosophes, c’est assurément celui dans lequel il va entrer. Les philosophes ne rouent point les Calas, ils ne condamnent point à un supplice horrible[4] des insensés qu’il faut mettre aux Petites-Maisons. De quel front peut-on aller à Polyeucte après une pareille aventure ? Le tuteur, élevé par sa tutrice, sera digne de l’emploi auquel il se destine. On attend beaucoup de la génération qui se forme ; la jeunesse est instruite, elle n’arrive point aux dignités avec les préjugés de ses grands-pères. J’ai, Dieu merci, un neveu[5] dans le même corps, qui a

  1. La réponse est sous le n° 6429.
  2. Ce qu’il appelle Petit Discours dans les lettres 6292, 6299, 6373.
  3. Allusion à la prétention qu’avait le parlement de Paris de s’appeler tuteur des rois.
  4. La condamnation du chevalier de La Barre et du chevalier d’Étallonde ; voyez tome XXV, pages 501 et 513.
  5. L’abbé Mignot.