Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6373

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 315-316).

6373. — À M.  DAMILAVILLE.
23 juin.

Mon cher ami, j’ai chez moi actuellement deux bons prêtres, dont l’un est fort connu de vous, et fort digne de l’être : c’est M. l’abbé Morellet. Il est docteur de Sorbonne, comme vous le savez. L’autre n’est que bachelier ; mais l’un et l’autre sont également édifiants. J’espère que l’un d’eux, à son retour à Paris, pourra vous faire tenir quelques-unes des bagatelles amusantes qui ont paru depuis peu à Neuchâtel[1]. Je vous envoie, en attendant, la lettre sur Jean-Jacques[2] que vous me demandiez, et que j’ai enfin retrouvée.

Je me flatte que j’aurai incessamment le mémoire de notre cher Beaumont, ce défenseur infatigable de l’innocence. Le petit discours[3] qu’on a préparé pour seconder ce mémoire n’est fait absolument que pour quelques étrangers qui pourront protéger cette famille infortunée. Il ne réussirait point à Paris, et n’y servirait de rien à la bonté de la cause : c’est uniquement au mémoire juridique qu’il faut s’en rapporter ; c’est de là que dépendra la destinée des Siren. On m’a mandé que le parlement n’avait point signé l’arrêt qui condamne les jeunes fous d’Abbbeville, et qu’il avait voulu laisser à leurs parents le temps d’obtenir du roi une commutation de peine ; je souhaite que cette nouvelle soit vraie. L’excellent livre des Délits et des Peines, si bien traduit par l’abbé Morellet, aura produit son fruit. Il n’est pas juste de punir la folie par des supplices, qui ne doivent être réservés qu’aux grands crimes.

Est-il vrai qu’on va donner Henri IV[4] sur le théâtre de Paris ? Son nom seul fera jouer la pièce six mois ; je l’ai toujours pensé ainsi. Mes tendres compliments à Platon, je vous en prie.

  1. Les Lettres sur les miracles.
  2. La Lettre au docteur Pansophe ; voyez tome XXVI, page 18.
  3. Voyez une note sur la lettre 6262.
  4. La Partie de chasse de Henri IV, par Collé.