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monsieur, que vous voudrez bien donner pour cet ouvrage les éclaircissements que vous seul êtes en état de donner. Votre nom n’a pas besoin de lui pour être connu, mais c’est le monument de l’état littéraire de notre siècle ; il vous intéresse à un titre trop flatteur et trop beau pour que je n’attende pas de vous vos bontés à son égard.

Encore une prière, monsieur. Je vous serai bien obligée de m’indiquer l’édition sur laquelle nous préféreriez que je fisse la mienne, et, si vous aviez quelques changements, de vouloir bien me les communiquer. Je suis, etc.


6379. — À M.  D’ALEMBERT.
1er juillet.

Ignis ubique latet, naturam amplectitur omnem,
Cuncta parit, renovat, dividit, unit, alit.

Oui, mon chor philosophe, ces deux, mauvais vers sont de moi[1]. Je suis comme l’évêque de Noyon[2], qui disait dans un de ses sermons : « Mes frères, je n’ai pris aucune des vérités que je viens de vous dire ni dans l’Écriture, ni dans les pères ; tout cela part de la tête de votre évêque. »

Je fais bien pis ; je crois que j’ai raison, et que le feu est précisément tel que je le dis dans ces deux vers. Votre Académie n’approuva pas mon idée, mais je ne m’en soucie guère. Elle était toute cartésienne alors, et on y citait même les petits globules de Malebranche : cela était fort douloureux. Je vous recommande, mon cher frère et mon maître, les Vernet dans l’occasion.

Vous m’enchantez de me dire que Mlle  Clairon a rendu le pain bénit ; on aurait bien dû la claquer à Saint-Sulpice. Je m’y intéresse d’autant plus, moi qui vous parle, que je rends le pain bénit tous les ans avec une magnificence de village que peut-être le marquis Simon Lefranc n’a pas surpassée. Je suis toujours fâché que le puissant auteur de la belle Préface[3] ait pris martre pour renard, en citant saint Jean[4]. Les pédants tireront avantage de cette méprise, comme Cyrille se prévalut de quelques balourdises de l’empereur Julien ; et de là ils concluront que les philosophes ont toujours tort.

Nous aurons incessamment dans notre ermitage un prince[5]

  1. Voltaire les avait mis pour épigraphe à son Essai sur la nature du feu ; voyez tome XXII, page 279.
  2. Clermont-Tonnerre ; voyez la note, tome XXVI, page 549.
  3. Voyez lettre 6252.
  4. Voyez lettre 6414.
  5. Le prince de Brunswick.