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de me chercher des exemples de cette pieuse pratique dans votre province. La perte de la liberté et des biens pour avoir fourni de la viande aux hérétiques en carême n’est qu’une bagatelle. Je voudrais bien savoir de quelle date est la défense de traduire la Bible on langue vulgaire. Cette défense d’ailleurs était très-raisonnable de la part de gens qui sentaient leur cas véreux.

Quand vous feuilletterez vos archives d’horreur et de démence, voulez-vous bien vous donner la peine de choisir tout ce que vous trouverez de plus curieux et de plus propre à rendre la superstition exécrable ?

On ne peut être plus touché que je le suis, monsieur, de votre façon de penser et de votre amitié ; vous êtes véritablement chéri dans notre maison.


6174. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
À Ferney, 2 décembre.

Mes anges, je vous confirme que je me suis lassé de perdre mon temps à vouloir pacifier les Genevois. J’ai donné de longs dîners aux deux partis ; j’ai abouché M.  Fabry avec eux. Cette noise, dont on fait du bruit, est très-peu de chose : elle se réduit à l’explication de quelques articles de la médiation. Il n’y a pas eu la moindre ombre de tumulte. C’est un procès de famille qui se plaide avec décence. Il n’est point vrai que le parti des citoyens ait mis opposition à l’èlection des magistrats, comme l’a mandé M.  Fabry, qui était alors peu instruit, et qui l’est mieux aujourd’hui. Les citoyens qui élisent ont seulement demandé de nouveaux candidats.

M. Hennin trouvera peut-être le procès fini, ou le terminera aisément. Mon seul partage, comme je vous l’ai déjà dit[1], a été de jeter de l’eau sur les charbons de Jean-Jacques Rousseau.

Ce qui m’a le plus déterminé encore à renvoyer les citoyens à M.  Fabry, c’est un énorme soufflet donné en pleine rue à M.  le président du Tillet, l’un des malades de M.  Tronchin. C’est un homme languissant depuis trois ans, et dans l’état le plus triste. Un citoyen, qui apparemment était ivre, lui a fait cet affront. Le conseil, occupé de ses différends, n’a point pris connaissance de cet excès si punissable. Le docteur Tronchin, pour ne pas

    tranchée, pour avoir mangé du cheval un samedi ; voyez tome XXV, pages 522, 559 ; XXVIII, 343.

  1. Lettre 6169.