plus même faire les pères ; j’ai cédé mes rôles ; je suis spectateur bénévole.
Mon cher ange, je deviens bien vieux ; j’ai, je crois, cinq ou six ans plus que vous[1].
Le temps va d’un tel pas qu’on a peine à le suivre.
Je voudrais bien savoir si le chevalier d’Aidie, autre philosophe campagnard de mon âge, est à Paris, comme on me l’a mandé ; serait-il assez lâche pour se démentir à ce point ? au moins je me flatte que c’est pour peu de temps. Vous avez dû recevoir vingt pages[2] de moi l’ordinaire dernier, et je vous écris encore. Les gens qui aiment sont insupportables.
De l’art de César et du vôtre
J’étais trop amoureux dans ma jeune saison ;
Mais je vois, au flambeau qu’allume ma raison.
Que j’ai mal réussi dans l’un comme dans l’autre.
Depuis ce vrai héros, qui force à l’admirer,
Parmi ceux que l’histoire eut soin de consacrer,
Il n’en est presque aucun, exceptez-en Turenne,
Condé, Gustave-Adolphe, Eugène,
Que l’on ose lui comparer.
Sur le Parnasse, après Virgile,
Je vois passer dix-sept cents ans
Où le génie humain stérile
S’efforce vainement d’atteindre à ses talents.
Et si le Tasse a su nous plaire
Par certains détails de ses chants,
Sa fable mal ourdie altère
La beauté de ses traits brillants.
Le seul fils d’Apollon, le seul digne adversaire
Qu’au cygne de Mantoue on ait droit d’opposer.
Vous l’avez deviné, je me le persuade :
C’est l’auteur que la Henriade
Mérita d’immortaliser.
Pour moi, je me renferme en mes justes limites ;
Et loin de me flatter d’atteindre en mon chemin
Les talents du poëte et du héros romain.
Je borne mes faibles mérites
Au devoir d’être juste, au plaisir d’être humain.
- ↑ D’Argental était né le 20 décembre 1700.
- ↑ La lettre 4109. avec les corrections pour Zulime.
- ↑ Réponse à la lettre 4094.