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rences profondes qui séparent la construction civile de la construction religieuse au moyen âge. Nos lecteurs voudront bien recourir, pour de plus amples détails, aux mots Boutique, Charpente, Chéneau, Égoût, Escalier, Fenêtre, Fontaine, Galerie, Maison, Pan de bois, Pont, etc.

constructions militaires. Entre les constructions militaires des premiers temps du moyen âge et les constructions romaines, on ne peut constater qu’une perfection moins grande apportée dans l’emploi des matériaux et l’exécution ; les procédés sont les mêmes ; les courtines et les tours ne se composent que de massifs en blocages revêtus d’un parement de moellon menu ou d’un très-petit appareil. Il semble que les Normands les premiers aient apporté, dans l’exécution des ouvrages militaires, certains perfectionnements inconnus jusqu’à eux et qui donnèrent, dès le XIe siècle, une supériorité marquée à ces constructions sur celles qui existaient sur le sol de l’Europe occidentale. L’un de ces perfectionnements les plus notables, c’est la rapidité avec laquelle ils élevaient leurs forteresses. Guillaume le Conquérant couvrit en peu d’années l’Angleterre et une partie de la Normandie de châteaux forts en maçonnerie, exécutés avec une parfaite solidité, puisque nous en trouvons un grand nombre encore debout aujourd’hui. Il est à croire que les Normands établis sur le sol occidental employèrent les procédés usités par les Romains, c’est-à-dire les réquisitions, pour bâtir leurs forteresses, et c’est, dans un pays entièrement soumis, le moyen le plus propre à élever de vastes constructions qui ne demandent que des amas très-considérables de matériaux et beaucoup de bras. On ne trouve, d’ailleurs, dans les constructions militaires primitives des Normands, aucune trace d’art : tout est sacrifié au besoin matériel de la défense. Ces sortes de bâtisses n’ont rien qui puisse fournir matière à l’analyse ; elles n’ont d’intérêt pour nous qu’au point de vue de la défense, et, sous ce rapport, leurs dispositions se trouvent décrites dans les articles Architecture Militaire, Château, Donjon, Tour.

Ce n’est guère qu’à la fin du XIIe siècle que l’on voit employer des procédés de construction particuliers aux ouvrages défensifs, composant un art à part. Aux blocages massifs opposant une résistance égale et continue, on substitue des points d’appui réunis par des arcs de décharge et formant ainsi, dans les courtines comme dans les tours, des parties plus résistantes que d’autres, indépendantes les unes des autres, de façon à éviter la chute de larges parties de maçonnerie, si on venait à les saper. C’est alors aussi que l’on attache une grande importance à l’assiette des ouvrages militaires, que les constructeurs choisissent des sols rocheux difficiles à entamer par la sape, et qu’ils taillent souvent le rocher même pour obtenir des escarpements indestructibles ; c’est qu’en effet, pendant les grands sièges entrepris à cette époque, notamment par Philippe-Auguste, la sape et la mine étaient les moyens les plus ordinaires employés pour renverser les murailles (voy. Siége).