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sissant les plus belles graines. La diversité des lieux seroit-elle la cause des résultats si différens ? j’ai peine à le croire. Au surplus, je prie de nouveau les fleuristes, jaloux d’étendre les connoissances dans un art si agréable, de répéter & de comparer les expériences.

Plusieurs fleuristes pensent qu’on doit, chaque année, ou au moins tous les deux ans, changer les graines & les tirer d’un pays un peu éloigné. Cette opinion mérite certaine confiance, sur-tout si les pieds, dont on envoie la graine, ont déjà été cultivés avec soin. Le changement de climat influe beaucoup sur le perfectionnement des espèces ; consultez ce mot & celui froment ; mais si le terrain est inférieur au premier, la dégradation sera frappante. Règle générale, il vaut mieux faire voyager les graines du nord au midi que du midi au nord.

Vainement prétend-t-on obtenir des fleurs, en employant pour les semences, certaines préparations composées de jus de fumier mêlé à d’autres ingrédiens. (Voyez ce qui a été dit au mot Blé, lors de sa germination, au mot Chaulage & au mot Froment). C’est une charlatanerie pure & rien de plus, quoique bien des gens aient la simplicité d’y ajouter une entière confiance.

II. Du semis des Girofliers. Tous les girofliers ont une mère racine pivotante & quelques autres racines secondaires qui s’enfoncent en terre, enfin peu de racines fibreuses ou chevelues. La forme de ces racines indique la nécessité d’avoir un terrain profondément défoncé, même jusqu’à un pied & demi, afin que les racines ne trouvent aucun obstacle, & plus elles pivoteront & plus la plante prospérera, sur-tout si on sème à demeure, & c’est la meilleure manière. Cette assertion paroît un paradoxe ; mais j’y reviendrai tout à l’heure. Si au contraire on sème pour replanter, il est inutile que la terre soit si profondément défoncée, un pied suffit ; le grand point est que le sol soit formé par de bon terreau, bien consommé & mélangé avec moitié autant de bonne terre végétale ou franche, mais non pas argileuse.

J’ai dit qu’on pouvoit semer à demeure toute espèce de giroflier, & j’ajoute les quarantains, sur-tout après avoir préparé le terrain de la place qu’ils doivent occuper, ainsi qu’il a été dit. J’ai la preuve la plus complète que de cette manière, ils sont infiniment plus beaux. On sème une douzaine de graines sur l’étendue de douze pouces, & lorsque les plantes commencent à marquer, on arrache aussi-tôt tous les pieds simples & ensuite les pieds à fleurs doubles surnuméraires, & on n’en laisse qu’un ou deux doubles tout au plus. Toute transplantation, quelque bien qu’on la fasse, nuit toujours du plus au moins à la prospérité d’une plante ; c’est forcer la loi naturelle. En suivant cette méthode, les pieds fleurissent beaucoup plutôt.

On dit qu’un giroflier, soit quarantain, soit bienne, soit vivace, marque lorsqu’au centre du bouquet de feuilles, on voit un amas de petits boutons ; & pour peu que l’œil soit exercé à les examiner, il découvre aussitôt si les fleurs seront doubles ou simples. On ne voit cependant encore que le calice ou