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lations des agriculteurs ; ce dernier point tire plus à conséquence que le premier.

Après s’être assuré d’un sol léger, fertile, & qui ait beaucoup de fond, on ne doit pas plaindre la dépense pour le défoncer au moins à deux pieds de profondeur, afin de diviser cette terre le plus qu’il est possible, & la purger des herbes quelconques. Lorsque le terrain est également travaillé, bien meuble, bien uni, on le divise par planches, l’une de quatre pieds de largeur, & l’autre de six, & ainsi alternativement sur toute la longueur du champ ; les plus étroites sont destinées à recevoir la semence en avril ou en mai dans les provinces du nord, & à la fin de février dans celles du midi, lorsque la saison paroît fixée. Il suffit que la graine soit enterrée à trois pouces environ.

Lorsque l’on n’est pas à même de se procurer de la graine du Levant, ou de bonnes garancières cultivées dans le royaume, il convient alors de semer dans un jardin la graine, ou d’y replanter des pieds de la garance qui croît spontanément dans le pays, ou dans les environs, & de lui prodiguer les engrais, le travail & l’arrosement au besoin : ce mieux-être changera, pour ainsi dire, & la graine & les plants, de sorte qu’à la seconde ou troisième année on aura de l’un & de l’autre en abondance & de bonne qualité. Pour multiplier les boutures, on détachera du tronc principal celles qui sont susceptibles d’être séparées. Il est cependant plus expéditif de tirer en droiture de la bonne graine.

Le sieur Althen, levantin d’origine, & chargé par le gouvernement de la conduite de quelques garancières à l’imitation de celles de la Turquie, en Asie, propose, dans son mémoire publié par le gouvernement, une préparation de la graine, & qu’il exécute ainsi : pour chaque livre qu’on veut semer, on prend un quart de livre de garance fraîche, qu’on lave & qu’on pile ensuite dans un mortier ; on y ajoute un demi-septier d’eau par quart de livre de garance pilée, & deux onces d’eau-de-vie. On jette cette composition sur la graine, de manière qu’elle s’en imbibe l’espace de 14 heures, prenant soin de la remuer trois ou quatre fois, afin de prévenir la fermentation. Le lendemain on met cette graine dans un chaudron d’eau qu’on a fait bouillir l’espace d’une heure cinq ou six jours auparavant, & dans laquelle on a mis un panier de fiente de cheval ; la graine y reste deux ou trois jours, & est plusieurs fois remuée afin qu’elle ne s’échauffe pas : enfin, on étend la graine sur le pavé, jusqu’à ce qu’elle ait assez perdu de son humidité pour être semée.

Je ne vois pas, malgré le témoignage du sieur Althen, le grand avantage qu’il annonce ; sa préparation ressemble beaucoup aux mixtions si vantées pour les blés, & qui, bien examinées & sans partialité, se réduisent à zéro ; j’en excepte cependant le chaulage pur & simple, & encore est-ce dans le cas seulement que les blés soient charbonnés. (Voyez les mots Blé, Chaulage, Froment.) Je persiste dans le même sentiment, relativement à la garance, & je préférerois, aussitôt que la graine est cueillie