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comme celui qu’on fait germer dans l’eau ou en terre, la partie farineuse se décompose, la sucrée reparoît & se développe, (voyez le mot Bière) & le germe ne tarde pas à reparoître. C’est donc au concours & à l’adjonction de l’humidité que le grain absorbe, & à son union avec le principe intérieur sucré, que sont dus la détérioration & l’échauffement.

Le temps de la récolte de 1783 fut très-pluvieux, sur-tout dans nos provinces septentrionales, & le grain germa en partie dans la gerbe encore couchée sur le champ. Le comité de l’école gratuite de Boulangerie, établie à Paris, publia à cette époque & à ce sujet un avis qui mérite de trouver ici sa place.

« Le pain qui provient du blé germé n’a rien de dangereux pour la santé… Ce blé est très-difficile à conserver, parce que le développement du germe le dispose à fermenter & à s’échauffer, & qu’en outre il retient beaucoup d’humidité, raison de plus pour qu’il fermente & s’échauffe… Les insectes l’attaquent plus volontiers, parce qu’il est plus tendre, & que la germination lui donne un goût sucré ; parce qu’aussi plus susceptible de s’échauffer, il favorise davantage la ponte des insectes… & abandonné à lui-même, il contracte de l’odeur & de la couleur, & le grain devient d’un rouge obscur. Dans cet état il a un mauvais goût & une saveur piquante qui se communiquent à la farine & au pain ; alors les animaux le rebutent. » Au mot Pain on entrera dans les détails qui le concernent.

» Il est imprudent de laisser le blé germé en meule & dans la grange, on doit le séparer des blés secs. Il vaut mieux le battre le plutôt possible, au risque de laisser des grains dans l’épi… La gelée arrête la germination, mais pour peu que la saison de l’hiver soit humide ou au retour des chaleurs, il s’altérera encore plus. »

» Le blé étant battu, on l’exposera au-dessus d’un four ; on le répandra sur le plancher, ou on le mettra sur des claies serrées. Il sera remué de quart-d’heure en quart-d’heure, avec une pelle ; on laissera une porte ou une fenêtre entre ouverte pour donner issue à l’humidité. »

» Si on n’a pas de pièce au dessus du four, on mettra le blé germé dans le four même, (voyez le dernier Chapitre de cet article §. 2.) quelque temps après que le pain en aura été retiré ; on laissera la porte du four entr’ouverte, & on remuera le blé de dix en dix minutes avec de longues pelles ou des râteaux pour faciliter l’évaporation de l’eau… On n’attendra pas que le blé soit parfaitement sec pour le sortir du four, car alors il seroit trop desséché… Le blé ainsi étuvé, on le criblera… On aura l’attention de ne le mettre en sacs ou en tas que lorsqu’il sera bien refroidi ; car si on l’enferme chaud, il retiendra un peu d’humidité qui adhère à la surface du grain, & le feroit moisir… Lorsque le propriétaire ou le commerçant ont de fortes parties de blé, il est plus expéditif de se servir des étuves. » Voyez §. I. du Chapitre déjà cité.

Telles sont les causes, soit extérieures, soit intérieures, du dépéris-