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& plus qu’inutile lorsque le grain est beau, bon, & qu’il n’est point vicié par la carie ou charbon, & dans ce cas, la lessive de cendres aiguisée par la chaux, suffit ainsi que mille & mille expériences l’ont démontré. À mérite égal de procédé, n’est-il pas plus naturel de recourir au plus simple, le plus à la portée du cultivateur & le moins dispendieux ? La chaux & la cendre sont entre les mains de tout le monde, & si on n’a pas facilement de la chaux, il suffit de faire la lessive de cendres plus forte.

J’ose dire qu’aussi-tôt que, dans les papiers publics, on avance un procédé relatif à l’agriculture, qu’il me paroisse bon ou mauvais, je le vérifie. Que de temps j’ai perdu dans ces examens ! On a proposé d’unir l’arsenic avec de la chaux ; que résulte-t-il de ce mélange ? un sel neutre, puisque l’arsenic est acide, (voyez ces mots) & la chaux est alcaline. Mais si l’expérience a prouvé démonstrativement que les alcalis détruisent le charbon ou la carie des blés, les sels neutres ne produiront pas le même effet. Le but qu’on se propose dans cette expérience se reduira donc au simple effet de fortifier la végétation du grain ; mais comme il a été dit au mot Chaulage, que les deux lobes du grain ne subsistent plus dès que la radicule du germe s’est enfoncée en terré, cette préparation est donc inutile pour la prospérité de la plante. Allons plus avant & suivons les raisonnemens faits à ce sujet. De la prompte sortie du germe & de la vigueur avec laquelle il plonge, dépendent les succès postérieurs de la plante. C’étoit ce qu’il falloit démontrer, & comme proposition générale elle est fausse. Supposons un grain bien infusé, bien pénétré des principes salins, & que ce grain soit dans nos provinces méridionales semé en octobre. Il arrive souvent que l’on y sème lorsque les terres sont dans un très-grand état de siccité & que la pluie ne survient qu’un ou deux mois après ; que le grain y germe difficilement, & que sans les vents de mer qui remplissent d’humidité l’atmosphère, il seroit bien plus long-temps encore à sortir de terre. Qu’arrivera-t-il pendant cet espace de temps ? Les sels trop concentrés dans le grain le racorniront & le durciront, & peut-être parviendront-ils à détruire complètement le germe.

On objectera que le sel conserve les viandes ; cela est vrai jusqu’à un certain point, & la conservation dépend & de la qualité & de la quantité du sel ; d’ailleurs, les viandes sont un corps humide & mou dans le principe, & le froment est un corps sec. Or, quoi de plus énergique que beaucoup de sels étendus dans une petite quantité d’eau relativement à leur masse.

Il est donc vrai de dire que la proposition est trop générale, & que ces préparations peuvent avoir lieu tout au plus dans les provinces où les pluies sont fréquentes ; mais encore une fois, qu’y produiront ces sels ? Rien. La vigueur de la plante dépendra uniquement de la qualité du sol, de la culture, & plus particulièrement encore de la manière d’être des saisons. Quant à la qualité terrible de l’arsenic qui a effrayé bien des gens, je ne crois pas qu’elle puisse se retrouver dans