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PINDARE.

particulières à la composition des odes de Pindare. Ils n’allaient pas encore très loin, mais au moins entraient-ils dans la voie que devait suivre Bœckh au commencement de notre siècle, et où enfin le succès, sur bien des points, couronna son puissant effort. C’est principalement de lui que procèdent les nombreux travaux d’interprétation et de métrique auxquels l’Allemagne depuis n’a pas cessé de se livrer avec ardeur. La France, tout en restant plus tiède, a prouvé par de rares publications qu’elle ressentait le contre-coup de ce grand mouvement. Dans une revue aussi rapide, un seul ouvrage est assez important pour être mentionné. Au point de vue où nous nous sommes placé, il a le mérite de nous montrer, avec certains progrès de la critique dans notre pays, l’état d’esprit où se trouvaient, il y a une vingtaine d’années, par rapport à Pindare, ces amis des lettres anciennes, moins érudits que pénétrés des beautés littéraires, dont la race noble et délicate tend de plus en plus à disparaître. L’Essai sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique, de Villemain, vastes préliminaires d’une traduction qui n’a pas vu le jour, est moins un livre qu’une course brillante à travers les œuvres de tous les temps et de tous les pays, sauf l’Inde et la Perse, où l’auteur reconnaît les plus vives expressions du lyrisme. C’est Pindare qui est le point de départ du travail, et c’est lui qui l’a inspiré à un traducteur heureux de vivre au milieu des belles images et des harmonies puissantes qui dominent dans cette grande poésie. Nul n’en a plus vivement senti l’éclat et le mouvement. Faut-il, après cela, insister sur l’inévitable insuffisance d’une appréciation toute de surface ? Rendons plutôt hommage à l’esprit généreux d’une critique qui ne s’adressait à l’histoire et à la science que pour mieux admirer les belles choses. Ne cédons pas au triste plaisir de rabaisser, envions plutôt ces heureuses générations, nées avec notre siècle, qui se passionnaient pour les questions de goût. Aujourd’hui, l’indifférence de l’érudition analytique confondrait volontiers dans le même dédain classiques, romantiques et tous les naïfs qui s’attardent à ces vaines spéculations.

L’ouvrage de Villemain rendit d’ailleurs le service de ramener l’attention publique sur Pindare et d’ouvrir les yeux à des aspects intéressans d’un génie à la fois très grec et très original. C’est ainsi que des pages délicates de M. Vitet initièrent les lecteurs de la Revue[1] à l’intelligence d’un de ses côtés les plus caractéristiques. Frappé de l’austère et mâle sérénité de cette poésie vraiment dorienne, il s’attacha à ce point de vue, et son sens d’artiste y découvrit des analogies imprévues avec le noble et pur chef-d’œuvre de l’architecture dorique, le Parthénon : idée ingénieuse et utile,

  1. Voyez la Revue du 1er février 1860.