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ÉRYXIAS

l’or et l’argent. Et il est évident que leurs possesseurs se trouvent plus riches. Or, il n’y a pas longtemps, nous avons très mal accueilli cette affirmation que ce sont les plus riches[1]. Pourtant c’est nécessaire, et de ce que nous avons admis, il ressort comme conséquence 403que parfois les plus savants sont les plus riches. Si on nous demandait, en effet : pensez-vous qu’un cheval soit utile à tout le monde, répondrais-tu que oui ? Ne dirais-tu pas plutôt : il sera utile à ceux qui savent s’en servir, non à ceux qui ne savent pas[2] ? » — « Je le dirais ». — « Donc, repris-je, pour la même raison, un remède non plus ne sera pas utile à tout le monde, mais à qui sait comment s’en servir ? » — « Je l’avoue ». — « Et de même pour tout le reste ? » — « Apparemment ». — « Par conséquent, l’or, l’argent et en général tout ce qui passe pour richesse, bne seraient utiles qu’à celui-là seul qui sait comment s’en servir[3] ». — « Il en est ainsi ». — « Mais précédemment ne nous semblait-il pas qu’il appartient à l’honnête homme de savoir où et comment il faut faire usage de ces biens[4] ? » — « Oui ». — « Donc, c’est aux honnêtes gens, et à eux seuls, que ces richesses seraient utiles, puisque ce sont eux qui en connaissent l’usage. Et si elles leur sont utiles à eux seuls, pour eux seuls également il semblerait qu’elles soient des richesses. Mais, évidemment, pour un ignorant de l’équitation, cles chevaux qu’il possède ne sont d’aucune utilité. Vient-on à faire de lui un cavalier, en même temps on l’enrichira, puisqu’on rend utile pour lui ce qui auparavant ne l’était pas, car en donnant à un homme la science, on lui donne du même coup la richesse ». — « Il le paraît du moins ».

  1. Cf. la thèse soutenue par Socrate et contestée par Éryxias 394-395 e.
  2. Cf. Xénophon, Économique I, 8 : Κἂν ἄρα γέ τις ἵππον πριάμενος μὴ ἐπίστηται αὐτῷ χρῆσθαι ἀλλὰ καταπίπτων ἀπ’ αὐτοῦ κακὰ λαμβάνῃ, οὐ χρήματα αὐτῷ ἐστιν ὁ ἵππος…
  3. Économique I, 12 : Λέγειν ἔοικας, ὦ Σώκρατες, ὅτι οὐδὲ τὸ ἀργύριον ἐστι χρήματα, εἰ μή τις ἐπίσταιτο χρῆσθαι αὐτῷ.
  4. Socrate assimile les savants (les σοφοί) aux honnêtes gens (καλοὶ κἀγαθοί). Voir encore 397 e. — De même le Socrate des Mémorables I, 1, 16 ; III, 9, 5. — Le Socrate platonicien dans Alcibiade I, 125 a, rapproche également les καλοὶ κἀγαθοί des φρόνιμοι, et ces derniers sont les techniciens.