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SECOND ALCIBIADE

voudrais, sans doute, pas t’en servir. dAussi te faut-il attendre, jusqu’à ce que quelqu’un t’apprenne quelle attitude il sied d’avoir vis-à-vis des dieux et des hommes.

Alcibiade. — Quand donc viendra ce beau jour, Socrate, et qui sera ce maître ? Comme je voudrais savoir qui il est !

Socrate. — C’est celui qui s’intéresse à toi[1]. Mais, à mon avis, de même qu’Athénè, ainsi que le raconte Homère, dissipa le nuage qui voilait les yeux de Diomède,

pour qu’il pût distinguer si c’était dieu ou homme[2],

e

il faut aussi dissiper d’abord le nuage qui présentement offusque ton âme, puis, t’appliquer les remèdes qui te permettent de distinguer le bien et le mal. Car, pour le moment, tu es incapable de le faire.

Alcibiade. — Qu’il l’enlève, nuage ou quoi que ce soit. Pour moi, je suis disposé à n’esquiver aucune de ses prescriptions, quel que soit cet homme, pourvu seulement que je devienne meilleur.

151Socrate. — Du reste, cet homme, tu ne saurais croire de quelle extraordinaire bonne volonté il est animé à ton égard.

Alcibiade. — Donc, le mieux, à mon avis, est de différer jusqu’alors le sacrifice.

Socrate. — Et ton avis est juste. C’est plus sûr que de courir un tel risque.

Alcibiade. — Comment donc Socrate ! Mais puisque tu parais m’avoir sagement conseillé, je t’offrirai cette couronne[3]. b Aux dieux, nous donnerons aussi des couronnes et tous les

    de μεγαλόψυχος, et il explique son attitude d’âme par le fait de ne pouvoir subir l’injure avec sérénité (Analyt. post. B, 13, 97 b, 18 et suiv.).

  1. On remarquera la différence entre la conclusion de ce dialogue et celle d’Alcibiade I. Dans ce dernier, Socrate accepte de travailler à l’éducation d’Alcibiade. Mais il n’ose espérer réussir. Il redoute l’emprise de la politique sur son disciple (135 e). L’imitateur de Platon est, au contraire, d’un sentiment plus optimiste. On peut encore noter une autre différence entre cet écrit et les autres dialogues platoniciens. Tandis que dans ceux-ci (v. g. Lachès, Charmide), Socrate est sollicité de se faire le maître des jeunes gens auxquels il s’intéresse, ici c’est lui-même qui se propose.
  2. Iliade V, 127.
  3. Ce trait rappelle la jolie scène du Banquet où Alcibiade couronne également Socrate (213 e).