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NOTICE

d’acquérir la science. Le dialogiste joint aussitôt, d’une façon assez maladroite, le concept de direction, de commandement, à celui de science : cela, sans doute, dans le but d’introduire un thème qui est la reproduction presque littérale d’une page d’Alcibiade I[1].

Enfin, le Théétète paraît avoir fourni un modèle important. Les rapports entre les deux écrits sont manifestes. En lisant dans Théagès (129 e et suiv.) les explications de Socrate sur sa « voix démonique », on ne peut s’empêcher d’y voir une réplique de Théétète (150 e et suiv.) : mêmes idées, mêmes exemples, mêmes expressions, une telle concordance ne peut être l’effet d’un pur hasard. Il sera utile ici, croyons-nous, de mettre également les deux passages sous les yeux du lecteur :


Théétète, 150 e, 151 a.

Ὧν εἷς γέγονεν Ἀριστείδης ὁ Λυσιμάχου καὶ ἄλλοι πάνυ πολλοί· οὕς, ὅταν πάλιν ἔλθωσι δεόμενοι τῆς ἐηῆς συνουσίας καὶ θαυμαστὰ δρῶντες, ἐνίοις μὲν τὸ γιγνόμενόν μοι δαιμόνιον ἀποκωλύει συνεῖναι, ἐνίοις δὲ ἐᾷ, καὶ πάλιν οὗτοι ἐπιδιδόασι.

Théagès, 129 e, 130 a.

Πολλοῖς μὲν γὰρ ἐναντιοῦται, καὶ οὐκ ἔστι τούτοις ὠφεληθῆναι μετ’ ἐμοῦ διατρίβουσιν… πολλοῖς δὲ συνεῖναι μὲν οὐ διακωλύει, ὀφελοῦνται δὲ οὐδὲν συνόντες. Οἷς δ’ ἂν συλλάβηται τῆς συνουσίας ἡ τοῦ δαιμονίου δύναμις, οὗτοί εἰσιν ὧν καὶ σὺ ᾔσθησαι· ταχὺ γὰρ παραχρῆμα ἐπιδιδόασιν… πολλοὶ δέ, ὅσον ἂν μετ’ἐμοῦ χρόνον ὧσιν, θαυμάσιον ἐπιδιδόασιν, ἐπειδὰν δέ μου ἀπόσχωνται, πάλιν οὐδὲν διαφέρουσιν ὁτουοῦν. Τοῦτό ποτε ἔπαθεν Ἀριστείδης ὁ Λυσιμάχου ὑὸς τοῦ Ἀριστείδου.


On se rend compte du mode de développement. L’imitateur a conservé certains mots types (συνουσία, συνεῖναι, ἐπιδιδόασι) ; il en a changé d’autres au moyen d’équivalents (οὐ διακωλύει pour ἐᾷ) ; il en a transposé quelques-uns (θαυμάσιον ἐπιδιδόασιν remplace θαυμαστὰ δρῶντες), et il s’est contenté d’amplifier légèrement le thème platonicien. Notons encore que l’affirmation socratique du Théétète : mes disciples n’ont jamais rien appris de moi (ὅτι παρ’ ἐμοῦ οὐδὲν πώποτε μαθόντες, 150 d) est reprise dans Théagès et se trouve, cette fois, énoncée précisément par un disciple : ἐγὼ γὰρ ἔμαθον μὲν

  1. Théagès, 123 d e, 124 a ; Alcibiade I, 125 b c d.