te confierais-tu de préférence, toi et tes biens, au pilote ou au philosophe » ?
« Au pilote assurément ».
« Et n’en est-il pas de même pour tout le reste ? Tant qu’il y a un homme du métier, le philosophe n’est pas utile ».
e « À ce qu’il paraît », dit-il.
« N’est-ce pas dire par là que le philosophe est un être inutile ? Car il y a toujours quelque part des hommes de métier. Or, nous avons reconnu que les gens de bien sont utiles et les méchants, inutiles ».
Il fut forcé d’en convenir.
« Et la suite, vais-je te la demander, ou n’est-ce pas abuser » ?
« Demande ce que tu voudras ».
« Je désire simplement résumer les propositions que nous avons admises. Or, les voici : nous avons accordé que la philosophie est belle, 137que les philosophes sont bons et que les gens de biens sont utiles, tandis que les méchants sont inutiles ; de par ailleurs, nous avons également accordé que les philosophes, tant qu’il existe des gens de métier, sont inutiles, et qu’il y a toujours des gens de métier. Tout cela n’a-t-il pas été accordé »[1] ?
« Parfaitement », dit-il.
III. Définition
socratique
de la philosophie.
« Nous avons donc accordé, apparemment, et cela d’après tes propres paroles, — si toutefois être philosophe, c’est connaître les arts de la façon que tu dis —, bque les philosophes sont méchants et inutiles, tant qu’il
- ↑ Cette satire du philosophe tel que le conçoit l’érudit du dialogue, c’est-à-dire, comme un homme qui touche à toutes les sciences et n’en approfondit aucune, rappelle la caricature que Platon a si joliment crayonnée dans Euthydème : le philosophe amateur veut prendre une teinture des diverses sciences, et finalement il reste inférieur aux spécialistes. Voir la notice, p. 110. On trouve, par contre, un éloge de l’homme à la culture encyclopédique (ὁ περὶ πᾶν πεπαιδευμένος) chez Aristote, Eth. Nicom. Α, 1094 b 23-1095 a 2.
aussi, doit passer pour un connaisseur en toutes sortes de matières : τῶν τεχνῶν ἔμπειρος εἶναι πασῶν 135 b).