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NOTICES

raisons : — 1o les mots, les définitions, les schèmes sont de simples équivalents de l’Idée, qui doit nécessairement se matérialiser pour se communiquer, ou des excitants de la pensée (παρακλητικὰ τῆς διανοίας, Républ. VII, 524 d) ; ils aident l’esprit à monter jusqu’au sommet de la connaissance, mais, par eux-mêmes, manquent de clarté et de fixité, comme l’expose un peu plus loin Platon, tandis que l’être vers qui tend l’effort de notre âme demeure éternellement immuable. Aucune image, en effet, ne s’adapte exclusivement à la forme qu’elle prétend représenter, mais presque toujours finit par se réduire à son contraire. Ainsi le cercle dessiné ou fabriqué, tend à la limite vers la ligne droite et ne peut apparaître uniquement cercle[1]. Le mot, à son tour, n’a aucune fermeté : il est le produit de la convention et rien n’empêche absolument qu’il soit modifié. Enfin la définition étant composée de mots (noms et verbes) n’a pas une stabilité plus assurée que celle des composants. Et voilà qui contredit l’interprétation de ceux qui s’imaginent traduire la vérité en termes définitifs comme elle. — 2o À cause de l’inconsistance des discours, c’est la qualité que l’on entreprend de mettre en évidence aussi bien que l’essence (le ποῖον aussi bien que l’ὄν ; le ποῖον, c’est-à-dire la qualité qui particularise les êtres, principe de l’altérité, de la diversité, signe non de l’absolu, comme l’essence, mais de la relativité, source par conséquent de perpétuelles transformations. Voir République, IV, 437-439 b). Mais quel homme sensé osera dès lors figer ses conceptions en caractères qui demeurent ? Comment l’écriture qui stabilise la pensée rendrait-elle le mouvement de cet incessant devenir ? Cette raison paraît contraire à celle donnée plus haut, mais on remarquera la divergence des points de vue. Il s’agit de prouver l’inaptitude de l’image et généralement de toute expression sensible à traduire l’Idée. Impossibilité, d’abord, de ce fait que l’expression sensible, parce que sensible, est changeante, et que la forme est immuable : c’est le premier argument. Le second examine la chose sous un autre biais : ce que l’on cherche le plus souvent à mettre en évidence, c’est la qualité, c’est-à-dire ce qui

  1. 343 a. Tandis que le cercle en soi n’a absolument rien de la nature de son contraire : αὐτὸς δέ, φαμέν, ὁ κύκλος οὔτε τι σμικρότερον οὔτε μεῖζον τῆς ἐναντίας ἔχει ἐν αὑτῷ φύσεως.