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INTRODUCTION

non spécialiste lui-même, mais ouvert à toutes les curiosités et à toutes les recherches, et s’efforçant de les promouvoir en les guidant toutes vers un but commun ? Donnerons-nous tort à la tradition[1] qui fait de Platon, réformateur politique et moral, le centre des mathématiciens de son temps ? Il est l’ami d’Archytas de Tarente et, au moins par lui, en relations avec son élève Eudoxe, chef de l’école de Cyzique ; il suit avec passion les efforts du jeune inventeur Théétète, célèbre ses découvertes, les incorpore dans ses œuvres et dédie à sa mémoire un dialogue sur la science. Si, parmi ceux de ses élèves qui se distinguèrent dans les mathématiques, certains ne sont pour nous que des noms, d’autres sont justement célèbres : Ménechme inventa les sections coniques ; Dinostrate appliqua à la quadrature du cercle la courbe inventée par Hippias ; Philippe d’Oponte, l’éditeur des Lois, écrivit de nombreux traités sur l’astronomie ; et, sans parler de brillants élèves comme Speusippe, Xénocrate, Héraclide du Pont, qui s’adonnèrent aux mathématiques tout en s’occupant de philosophie et, d’ailleurs, au dire d’Aristote, firent de la philosophie même une mathématique (Métaph. 992 a, 82), les auteurs d’Éléments qui, entre Hippocrate et Euclide, synthétisent les conquêtes nouvelles, Léon peut-être, en tout cas Theudios, Athénée de Cyzique, Hermotime de Colophon,

  1. Sur la tradition concernant Platon, voir la critique de Tannery, Géom. Gr., p. 75-81, 111/3, 125/8, 130/3 et passim. Pour l’invention de l’analyse, Proclus in Eucl., 211 ; du diorisme, ib. 66 ; de la façon de trouver les côtés des triangles rectangles, ib. 428. Pour la duplication du cube, Eutocius in Archim. de sphaera et cyl., II, a, Heiberg, III, 102 et Plutarque (Quaest. conviv., VIII, 2, 1. — Vita Marcelli, 14, 5), Philoponus in Anal. Post. p. 102, 16, Wallies. Mais le diorisme est appliqué dans Ménon (86 e/87 b), l’analyse régressive dans Phédon (100 a, 100 d/e) et Rép. (511 a suiv., 523 b suiv.). Platon ne l’invente naturellement pas, le texte d’Hippocrate de Chios, premier texte mathématique grec connu (Björnbo, 1790), en est un bel exemple, mais il lui donne sa forme régulière en la complétant par la synthèse (Tannery, Mém. sc., VII, 40/4). Quant aux définitions et axiomes, voir les définitions de la droite (Parménide, 137 e, cf. Proclus in Eucl., 109), du cercle (ib.), de la surface (Ménon, 76), des variétés de pair et impair (Parm., 143 e), du contact et de ses lois (Parm., 149 e et suiv.), etc. Des axiomes mathématiques le Parménide fait le grand instrument de son jeu dialectique, cf. surtout 154 b/c et A. Diès, Notice (1923), p. 33/4 et notes passim.