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INTRODUCTION

sert souvent de base à des inductions chronologiques. Nous l’avons cité au début de notre introduction. Platon y raconte les ambitions politiques de sa jeunesse, ses désillusions successives, l’obstination compréhensible qui le fit s’accrocher de toute sa volonté aux espoirs qui fuyaient, enfin la conviction qui s’imposa finalement à son esprit que, dans toutes les cités qu’il connaissait, la corruption des institutions et des mœurs était incurable, à moins de médications énergiques favorisées par d’heureuses circonstances. Il fut donc, nous dit-il, irrésistiblement amené à louer la vraie philosophie et à dire qu’elle seule permet de reconnaître « où est la justice dans la vie publique et dans la vie privée », que, par suite, l’unique salut pour l’humanité est dans l’accession des vrais philosophes au pouvoir ou dans l’action de quelque grâce divine convertissant à la vraie philosophie ceux qui ont le pouvoir dans les cités. Telles étaient, ajoute-t-il, ses convictions, quand il aborda pour la première fois l’Italie et la Sicile : ταύτην δὴ τὴν διάνοιαν ἔχων εἰς Ἰταλίαν τε καὶ Σικελίαν ἦλθον, ὅτε πρῶτον ἀφικόμην (326 b).

Parce que cette déclaration se retrouve presque textuellement dans notre République actuelle (V, 478 c et VI, 499 b), devons-nous dire, avec les partisans d’une première édition : « La République telle que nous l’avons ne peut certainement pas être antérieure à 388 ; donc le témoignage de la Lettre VII nous contraint de supposer une République antérieure à 388 et autre que la République actuelle »[1] ? Ou bien devons-nous, au contraire, déclarer, avec Taylor par exemple (p. 20), que l’allusion à VI 499 étant indéniable, toute la partie de la République antérieure à ce passage était déjà écrite en 388/7 ? Taylor en conclut, d’ailleurs, que le dialogue tout entier était achevé peu après la quarantième année de Platon et avant peut-être la fondation de l’Académie, mais cela est lié dans sa pensée à sa thèse sur les deux grandes périodes de l’activité littéraire de Platon, dont la première (399-388/7) est suivie

  1. La formule est de Rudolf Adam, Ueber die Platonischen Briefe, Archiv. f. Gesch. d. Philos., XVI, 1 (1909), p. 43. Il compare Lettre VII, 826 a à Rép., 478 d et Lois, 712 a, mais néglige Rép., 499 b, qui offre pourtant, en face de Lettre VII λέγειν ἠναγκάσθην κ. τ. λ., le parallèle assez frappant : ἡμεῖς τότε καὶ δεδιότες ὅμως ἐλέγομεν, ὑπὸ τἀληθοῦς ἠναγκασμένοι κ. τ. λ..