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CRATYLE


Les autres étymologies de Socrate.

Or, c’est encore à l’inspiration d’Euthyphron qu’il rattache les considérations étymologiques qui vont de 396 d à 421 c. Il y insiste à plusieurs reprises : il félicite ironiquement Hermogène d’avoir foi dans cette inspiration (399 a) ; après avoir expliqué le mot ψυχή, il propose une nouvelle étymologie, beaucoup plus recherchée, et par suite plus plausible aux yeux des Euthyphron (399 e) ; parodiant un vers d’Homère, il se vante de faire voir à Hermogène ce que valent « les chevaux d’Euthyphron » (407 d) ; embarrassé par l’origine du mot πῦρ, il craint que « la Muse » d’Euthyphron ne l’ait abandonné (409 d) ; enfin, il justifie l’accumulation précipitée de ses étymologies en alléguant que « l’inspiration du dieu touche à sa fin » (420 d). Par ces allusions répétées, Platon nous invite évidemment à ne pas prendre au sérieux le contenu de ce long développement : il ne saurait y avoir de doute sur ses intentions.

Qu’il ait eu lui-même le goût de l’étymologie[1], on croit en trouver la preuve en d’autres endroits de son œuvre[2] ».

  1. F. Schäublin, Ueber den Platonischen Dialog Kratylos, Diss. Bâle, 1891, p. 67 sq. ; I. v. Ijzeren, De Cratylo Heracliteo et de Platonis Cratylo (Mnemosyne, N. S. XLIX, 1921, p. 192, note 1) ; Wilamowitz, Platon, Erster Band, Berlin, 1920, p. 289.
  2. Dans le Protagoras (361 d) il rapproche Προμηθεύς de προμηθούμενος ; 312 c il tire σοφιστής de σοφός (savant) et de la racine ιστ- (savoir) ; dans le Phèdre, 237 a, il fait venir λίγειαι de Λίγυες ; 244 bc, μαντική de μανική ; il explique οἰωνιστική par οἴησις-νοῦς-ἱστορία ; dans le Théétète, 194 c, il rattache κέαρ (cœur) à κηρός (cire) ; dans la République, II, 369 c, il rend compte de πόλις par πολλοί ; dans le Sophiste, 221 c, il fait venir ἀσπαλιεύς (pêcheur à la ligne) de ἀ(να)σπᾶν (tirer en haut) ; dans les Lois, II, 654 a, il interprète χορός par χαρά ; VII, 816 a, πυρριχή par πῦρ et XII, 957 c, νόμος par νοῦς. Quelques-uns des noms étudiés dans le Cratyle le sont dans d’autres dialogues : Gorgias, 493 a, σῶμα est expliqué par σῆμα (cf. Crat., 400 bc) ; le rapprochement n’est d’ailleurs pas de Platon, qui l’attribue lui-même à un savant homme (cf. Philolaos, fragm. 15 d) ; dans Phèdre, 238 c, ἔρως est expliqué par ῥώμη, (cf. Crat., 420 b) ; 252 c, le nom d’Éros est chez les Immortels Ptéros (citation poétique) ; 251 c, ἵμερος est interprété par μέρη ἐπιόντα καὶ ῥεόντα, et, 255 c, par ῥεῦμα (cf. Crat., 420 a) ; Phédon, 80-81 d, Ἅιδης est expliqué par ἀειδής (étymologie mentionnée, mais rejetée dans le Cratyle, 404 b) ;