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NOTICE

incarnations. Les âmes qui, avant de se corrompre, ont eu la plus abondante vision des réalités vraies produiront en s’incarnant un homme ami du savoir et de la beauté, c’est-à-dire un philosophe[1]. Le second rang d’incarnation fait paraître un roi fidèle à l’ordre de la Loi ou qui a dans la guerre l’art de commander. Au troisième, c’est un politique, à moins que ce ne soit un bon administrateur ou un financier. Que ces sortes d’hommes viennent ainsi juste au-dessous du philosophe, on se l’explique : il est possible en effet qu’ils s’inspirent des principes que l’autre leur aura dictés, comme dans le Politique (258 e-260 b, 301 a fin-c) et conformément à l’idéal défini dans la République (V 473 cd, cf. IX 587 ab) ou à l’espérance attestée encore par les Lois (IV 709 e sq.). Ces âmes sont inférieures sans doute ; mais, quand les tendances à commander ou à administrer qui les caractérisent auront été réglées scientifiquement[2], elles acquerront une autre valeur. Peut-être même ceci s’appliquerait-il encore aux âmes du quatrième rang, celles d’où naîtront des hommes voués aux soins du corps, maîtres de gymnase ou médecins : ceux-ci en effet sont encore capables de s’ennoblir en se pliant aux directions du philosophe. Avec les rangs qui suivent nous ne trouvons plus au contraire que des âmes vouées à une existence de mensonge ou de sujétion : au cinquième, les marchands de prophéties ou d’exorcismes[3] ; au sixième, les imitateurs de tout ordre, et les peintres sans doute aussi bien que les poètes (cf. p. xl

  1. Il ne semble pas qu’ici le ou bien soit disjonctif comme il semble l’être pour les catégories suivantes. Être musicien (avoir de la culture), être instruit des choses d’amour, être ami de la beauté, tout cela converge vers la notion du philosophe ou de « celui qui aime les jeunes gens d’un amour philosophique » ; cf. ici 249 a et Banquet 211 b ; voir aussi p. 29, n. 1.
  2. C’est à peu près ainsi qu’Auguste Comte dans son système politique faisait des banquiers les organes, pour l’ordre temporel, de ce que prescrivent les philosophes dans l’ordre spirituel.
  3. Comme chez Aristophane les devins des Oiseaux ou de la Paix ; comme chez Euripide ces charlatans auxquels Thésée assimile Hippolyte (Hippol. 952-957 ; cf. les autres textes cités par L. Méridier, Euripide et l’Orphisme, Bulletin Budé, janv. 1938) ; comme enfin tous ces gens que dénonce Platon lui-même dans la République (II 364 b-365 a) et qui exploitent la crédulité d’autrui, surtout celle des riches.