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NOTICE

le mythe a un sens, que cette extériorité spatiale marque, avec une clarté qu’on ne rencontre nulle part au même degré, l’intention chez Platon de considérer les réalités intelligibles comme étant tout à fait à part de celles de l’expérience, ou, selon la formule d’Aristote, de séparer les Idées. Jusqu’à présent nous étions au sein d’un monde enveloppé dans la sphère du ciel. Nous voici maintenant (247 c 3), par delà le ciel, en face d’un autre monde qui est celui de la Vérité (cf. 248 b 7). À vrai dire, les âmes des dieux ne sont pas plus capables que les meilleures des autres âmes de quitter le ciel pour passer dans cet autre monde. C’est au premier qu’elles appartiennent. Mais, quand elles sont parvenues au sommet de celui-ci et comme installées sur sa convexité, leur cocher est en état de porter ses regards dans la direction des réalités véritables, qui sont des objets pour l’intellect seul et sur lesquelles, puisqu’elles sont sans couleur et sans figure, les sens n’ont point de prise : la Justice réelle, la Tempérance réelle, le Savoir réel et qui, au lieu de s’appliquer à des apparences dont la diversité se déploie dans un devenir changeant, est une connaissance vraie de vraies réalités, la Pensée pure de tout alliage sensible, la Beauté dans toute sa splendeur, etc. (cf. 250 b-d). De plus, cette contemplation n’est pas offerte aux âmes divines d’une façon indifférente, mais pour le temps précis que doit durer la révolution qui ramènera le ciel au même point[1]. Au terme de cette révolution, le cocher, l’intel-

  1. Cf. aussi 248 a 3 et c 4. Quelle est cette révolution ? Est-elle identique à celle dont il sera question 247 e sq. et qui concerne le retour de chaque âme au chœur divin dont elle faisait originairement partie (cf. p. lxxxvii n. 3) ? Si Zeus représente ici la sphère des Fixes, on pourrait penser que la révolution dont il s’agit est la révolution diurne, le jour de 24 heures qui sert d’unité de mesure aux autres périodes de révolution. Mais ce serait sans doute une bien courte durée pour une contemplation pareille, le privilège en dût-il se renouveler régulièrement. Doit-on plutôt penser que Platon a en vue, comme dans le Timée (39 d), « ce nombre parfait du temps qui remplit une année parfaite », c’est-à-dire la durée d’une Grande Année ? Il n’y aurait aucun doute si Platon avait, ainsi que dans le Timée, parlé de révolution qui ramène au même point tous les astres les uns par rapport aux autres. — Certes, un esprit moderne a de la peine à concevoir, surtout chez un penseur de l’envergure de Platon, de pareilles spéculations qui supposent un synchronisme entre les révo-