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NOTICE

la chose automotrice avec la réalité qu’on appelle une âme, on doit dire que l’âme est inengendrée et immortelle[1].

Image mythique de la nature de l’âme.

B. — L’immortalité de l’âme étant ainsi démontrée, voyons à présent quelle est la nature de cette chose immortelle (246 a 3 sqq.). Pour la dire telle qu’elle est, un savoir divin serait nécessaire ; mais un savoir humain permet d’en donner une image, c’est-à-dire de montrer à quoi elle ressemble. Autrement dit, quelle est la chose qui, dans le domaine de notre expérience, pourra par ses rapports constitutifs servir à figurer la nature de l’âme et être considérée comme lui étant analogue ? Or, représenter ainsi une réalité, dont on n’a pas d’expérience directe, au moyen de l’image sensible d’une réalité familière, c’est l’essentiel du mythe. La nature de l’âme sera donc exposée d’une façon mythique. Platon commence par dessiner l’image, puis il explique pourquoi dans cette image il y a, si l’on peut dire, des parties lumineuses et d’autres obscures.

a. Nous imaginerons donc l’âme (246 a 6 sqq.) à la ressemblance d’une force active dont la nature soit d’être un attelage ailé que mène sur son char un cocher, ailé lui aussi[2]. Mais, tandis que dans la représentation de l’âme des dieux l’ensemble doit être tenu pour excellent dans ses parties

  1. Cf. p. 35, n. 1 et Notice, p. cxxv sq.
  2. L’origine de cette image peut être (je dois encore cette indication à M. Ch. Picard) dans des représentations figurées comme celles des deux petites faces du sarcophage d’Hagia-Triada (qui remonte au Minoen récent II, environ 1450 av. J.-C.) ou de peintures sur certains vases des Cyclades (vie s.) au Musée d’Athènes. Mais l’âme n’y est pas figurée, comme ici, par l’ensemble des chevaux et du cocher sur son char : elle est sur le char la compagne du cocher. — Il n’y a donc aucune raison de supposer, avec Natorp (Platons Ideenlehre p. 72), un souvenir direct du début du poème de Parménide (fr. 1 D.). Sans doute y a-t-il là des chevaux, un char, un ou plutôt des cochers (v. 24). Mais l’image est très différente : ainsi chez Platon συνωρίς s’applique à l’attelage apparié qui tire le char, tandis que chez Parménide le terme voisin συνάορος s’applique au poète lui-même, qui s’apparie aux immortels cochers qui le conduisent. Au fond, le spectacle de la vie journalière suffisait, exception faite des ailes, à suggérer à Platon cette représentation.