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PHÈDRE

d’exister, mais à partir de quoi commence d’exister tout ce qui existe. Il serait en effet contradictoire avec la notion même de « Principe » que ce qui est principe pût être quelque chose d’engendré, c’est-à-dire de dérivé ; et d’autre part il n’y aurait plus d’existence, car rien ne pourrait plus commencer d’exister[1]. La chose qui se meut soi-même est donc inengendrée en tant qu’elle est principe. — c. À ce même titre elle se révèle encore (245 d 3 sqq.) comme incorruptible[2]. Il serait en effet contradictoire qu’un principe, une fois anéanti, pût renaître, car ce serait à partir d’autre chose, de sorte qu’il ne serait plus un principe ; contradictoire aussi, pour cette même raison, que rien désormais pût en provenir. — d. Puisque ce qui se meut soi-même est principe et que, à ce titre, il ne peut ni avoir commencé ni cesser d’exister, nous dirons (245 d 7 sqq.) qu’en cela consiste l’essence et la notion[3] de l’âme en tant que distincte du corps. Car un corps, s’il est inanimé, reçoit du dehors son mouvement, mais, s’il est animé, d’un principe interne de mouvement qui est justement son âme. Donc, en raison de l’identité de

  1. Cf. p. 34, n. 1. Comme tout à l’heure à propos de la notion de chose automotrice, Platon me paraît se fonder, pour faire entendre quel est le rôle du principe, sur ce qu’implique logiquement la notion de « Principe ». Or un principe engendré en supposerait un autre pareillement engendré, et ainsi à l’infini ; ce qui serait la négation même de la notion de « Principe » et, corrélativement, la négation d’une existence dépendant du principe comme de sa cause. C’est donc encore une sorte d’argument ontologique.
  2. À la vérité Platon dit : « à titre de chose inengendrée, le principe est aussi incorruptible ». En modifiant comme j’ai fait l’expression, j’ai voulu mettre en évidence que nous avons là une nouvelle preuve de l’immortalité de la chose automotrice, mais qui se fonde sur la notion même de « Principe », dont il vient d’être prouvé qu’elle est inhérente à cette chose.
  3. À propos de tout objet de la pensée il y a (Lois X 895 d-896 a) trois choses à considérer : la réalité de cette chose ou son ousia, c’est-à-dire, du point de vue de l’idéalisme platonicien, son essence ou Idée ; la notion ou définition de cette réalité, son logos ; enfin son nom. Ainsi la réalité dont le nom est « âme » a pour notion ou définition « ce qui se meut soi-même » et qui est par conséquent le principe de la génération et du mouvement. La notion ou définition de la chose nommée équivaut donc à la réalité de cette chose ; cf. Phédon 99 e sq.