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PHÈDRE

si tu as autre chose à dire sur l’art oratoire, sans doute l’écouterons-nous ; mais, s’il n’en est pas ainsi, nous nous en fierons à ce que nous avons expliqué tout à l’heure[1]. Faute, dirons-nous, d’avoir dénombré les divers naturels de ceux qui vont être les auditeurs ; e faute d’être capable, aussi bien de distinguer les choses selon leurs caractères spécifiques que de les embrasser en une seule idée selon chacune de ces espèces, jamais on ne sera un technicien de l’art oratoire, pour autant que c’est possible à un homme ! Or c’est un résultat qu’on n’obtiendra pas sans beaucoup d’application ; et ce n’est pas pour adapter son langage et sa conduite à ses relations avec les hommes que le sage doit s’en donner toute la peine, mais pour être capable, et d’un langage qui soit agréable aux dieux et, en toute chose autant qu’il le peut, d’une conduite qui leur agrée. Non en effet, tu le vois désormais, Tisias, et ceux qui sont plus savants que nous l’affirment, ce n’est pas à ses compagnons d’esclavage 274 que doit s’exercer à complaire, à moins que ce ne soit par surérogation, l’homme qui a du jugement, mais c’est à des maîtres bons eux-mêmes et faits de bons éléments[2]. Voilà pourquoi la longueur de ce circuit, tu n’as point à t’en étonner[3] : avec de grands objets pour but, les circuits sont nécessaires ; ce n’est pas comme dans ta conception ! Ce qui est sûr, et voilà ce que notre thèse affirme, c’est que, pour peu qu’on accepte cette nécessité, même ces objets inférieurs auront reçu des autres la beauté la plus grande ! »

Phèdre. — Magnifique en paroles, Socrate, oui, si je m’en crois, — à condition qu’on soit à la hauteur !

Socrate. — Eh bien ! ajoutons que, pour qui certes s’attaque à ce qui est beau, il est beau aussi de subir b les conséquences qu’on peut avoir à subir.

Phèdre. — Rien de plus certain.


Quatrième partie — Valeur et rôle du discours écrit.

Socrate. — Ainsi donc, pour ce qui est, dans les discours de l’art comme de l’absence d’art, en voilà largement assez…

  1. Cf. 271 b, d et, pour ce qui suit, 265 d-266 b.
  2. C’est la pensée orphique, inspiratrice de Phédon, 62 b.
  3. Les gens, dont Socrate a rapporté les paroles, se plaignaient