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PHÈDRE

bilité d’en réaliser intégralement l’objet. Ce sont deux esprits et deux caractères entièrement différents : l’un se meut dans le plan du relatif et du contingent, l’autre dans celui de l’éternel et de l’absolu.

III

LA STRUCTURE DU DIALOGUE ET SON UNITÉ

Le problème.

Dans un texte rebattu du Phèdre (264 c), Platon affirme la nécessité pour tout discours, autrement dit pour toute œuvre littéraire de la pensée, d’ « être constitué à la façon d’un être animé », d’avoir un corps qui ait une partie centrale, une tête, des membres, bref des éléments qui soient solidaires les uns des autres et du tout, se convenant entre eux et au tout. Là-dessus maint critique s’étonne que Platon ait si mal appliqué un précepte si bien formulé : comment se fait-il que, dans une première partie, le Phèdre traite de l’amour et de la beauté, puis dans une seconde, de la rhétorique opposée à la dialectique ? Certains en prennent bravement leur parti[1] : Platon était vieux quand il écrivit le Phèdre, et son art avait perdu de sa souplesse. La plupart font des efforts désespérés pour découvrir une cohésion à laquelle ils ne croient guère ; ils cherchent surtout à subordonner à l’autre une des deux parties[2], espérant ainsi trouver dans la partie dominante le principe d’unité de l’ensemble. Aussi est-il indispensable, si l’on veut savoir à quoi s’en tenir sur une question si controversée, de déterminer le plus précisément qu’on pourra les articulations essentielles de la structure du Phèdre[3].

  1. Ainsi Raeder, Platos philosophische Entwickelung, p. 267.
  2. On voit par Hermias (p. 10, 26 sqq.) que ce débat sur le vrai sujet du Phèdre était fort ancien ; cf. p. lix.
  3. Il faut lire l’étude si fine et si pénétrante d’Émile Bourguet Sur la composition du Phèdre, dans la Revue de Métaphysique et de Morale 1919, p. 335-351 et un intéressant mémoire de Z. Diesendruck, Struktur und Charakter des platonischen Phaidros, 1927 (cf. REG. XLV p. 115), où l’on trouvera une bonne revue des opinions principales de la critique allemande sur la question.