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PHÈDRE

Phèdre. — Hé ! absolument.

Socrate. — Et quoi ? lorsqu’un orateur, ou bien un roi, s’est rendu capable, étant investi du pouvoir d’un Lycurgue, d’un Solon, d’un Darius[1], c d’être dans un État un immortel logographe, ne juge-t-il pas qu’il est lui-même, tandis qu’il est encore en vie, un égal des dieux ? et n’est-ce pas cette même opinion que se fait à son sujet la postérité, les yeux attachés sur ses écrits ?

Phèdre. — Ah ! je crois bien !

Socrate. — Penses-tu, en conséquence, qu’un homme de cette sorte, n’importe lequel et qui aurait contre Lysias une animosité quelconque, lui fasse précisément le reproche[2] d’être un écrivain ?

Phèdre. — Ce n’est guère probable en tout cas d’après ce que tu dis : à ce compte, semble-t-il bien, il se reprocherait à lui-même sa propre passion !

Socrate. — C’est donc une chose claire pour tout le monde : d non, il n’y a rien, en soi, de vilain à écrire des discours !

Phèdre. — Et pourquoi, en effet ?

Socrate. — Où la chose par contre commence, à mon avis, d’être vilaine, c’est quand on ne parle ni n’écrit de la belle façon, mais d’une vilaine et d’une mauvaise.

Phèdre. — Eh ! oui, c’est clair !

Socrate. — Qu’est-ce donc qui caractérise le fait d’écrire, ou non, de la belle façon ? Avons-nous, Phèdre, quelque besoin de nous enquérir là-dessus près de Lysias, ou de quiconque a jamais écrit et écrira ? que l’écrit concerne les choses de la Cité ou bien quelque affaire privée, et qu’il use du mètre, étant œuvre de poète, ou qu’il s’en passe, comme dans la prose ?

Phèdre. — Tu demandes si nous en avons besoin ! e Mais

    ensuite Platon, c’est un texte de proposition de loi, son intitulé réglementaire, l’exposé des motifs où l’auteur fait valoir la sagacité de ses vues. Enfin la proposition est comparée à une pièce de théâtre : si elle passe en loi, c’est un succès pour lui et pour son parti ; l’inverse si elle est rejetée ou si sa loi est abrogée et que la ruine de son crédit ou celle de son parti le prive de la possibilité de recommencer.

  1. L’œuvre législative de Darius est louée Lois III 695 c et Lettre VII 332 a. — Sur la pensée, cf. Banquet 209 d.
  2. Le reproche que, dit Phèdre, font à Lysias les politiques, 257 cd.