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septième, l’artisan ou le cultivateur ; à la huitième, le professionnel de la sophistique ou de l’art de flatter le peuple ; à la neuvième, l’homme tyrannique.

« Et maintenant, admettons que, dans l’ensemble de ces hommes, il y en ait un qui ait mené une vie juste : il reçoit en partage un meilleur lot, et un pire si c’est une vie d’injustice. C’est que le même point d’où chaque âme est venue n’est pour elle celui du retour qu’après dix mille ans : ce n’est pas avant tout ce temps que l’âme en effet reçoit des ailes, 249 exception faite pour celle de l’homme qui a été un loyal ami du savoir ou qui a aimé les jeunes garçons d’un amour philosophique. De fait, ces âmes-là, à la troisième révolution millénaire et dans le cas où, trois fois de suite, elles ont choisi ce genre de vie, s’étant de la sorte donné des ailes, à la trois-millième année elles s’éloignent ! Quant aux autres, une fois qu’elles ont terminé leur première existence, elles sont soumises à un jugement, et, après qu’elles ont été jugées, les unes s’en vont aux maisons de justice qui sont sous terre et y paient leur juste peine, tandis que celles que l’arrêt de justice a fait monter, légères, jusqu’à tel ou tel endroit du ciel, celles-là mènent une vie qui récompense la vie qu’elles b ont vécue sous une forme humaine. Or, à la millième année, pour celles-ci comme pour celles-là, le moment est venu de tirer au sort et, à la fois, de choisir leur deuxième existence, le choix de cette existence dépendant de la volonté de chacune. C’est à ce moment qu’en une existence de bête vient passer une âme d’homme[1], tout comme, d’une existence de bête, revient à la condition humaine celui qui fut une fois homme : il n’y aura pas en effet, pour l’âme qui jamais n’eut une vision de la Vérité, de passage à cette forme qui est la nôtre.

    ainsi sont vouées au sort qu’elles méritent de détestables sortes d’hommes ! On remarquera notamment la place du sophiste et du démagogue, au-dessous des travailleurs manuels, ordinairement si méprisés. Sur les autres points, voir Notice, p. lxxxvii sqq.

  1. Toute âme, à sa chute, commence par animer un homme (248 d déb.). Mais elle peut ensuite choisir, selon le rang que le sort a fixé pour ce choix, d’animer un corps de bête. Comparer le mythe d’Er l’Arménien, Rép. X 617 d-618 b, 619 b-620 d.