Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 3 (éd. Robin).djvu/206

Cette page a été validée par deux contributeurs.
229 b
5
PHÈDRE

Phèdre. — C’est là b qu’il y a de l’ombre, une brise modérée, du gazon pour nous asseoir et, si nous le voulons, pour nous étendre.

Socrate. — Si tu avançais ?

Phèdre. — Dis-moi, Socrate, n’est-ce pas en vérité de quelque part ici, de l’Ilissus, que Borée selon la légende enleva Orithye[1] ? Ou bien est-ce de la colline d’Arès ? La légende en effet admet aussi cette autre version, que c’est de là et non point d’ici, qu’elle a été enlevée[2].

Socrate. — Elle l’admet en effet.

Phèdre. — Enfin voyons ! est-ce d’ici ? Quel charme, conviens-en, quelle pureté, quelle transparence offrent aux yeux ces filets d’eau, et comme leurs bords se prêtent bien à des amusements de jeunes filles !

Socrate. — Non, c’est plutôt en contre-bas, à quelque deux ou trois stades, c à l’endroit où nous passons la rivière dans la direction du sanctuaire d’Agra[3] : il y a là justement un autel de Borée.

Phèdre. — Tiens ! je ne m’en suis pas du tout aperçu. Mais, par Zeus ! explique-toi, Socrate, sur cette fable ! Crois-tu, toi, qu’elle soit vraie ?

Mythologie.

Socrate. — Si j’étais, comme les Doctes, un incrédule, je ne serais pas un extravagant[4] ; ensuite, doctement, je déclarerais qu’elle a été poussée par un vent boréal en bas des rochers voisins, tandis qu’elle jouait avec Pharmacée, et que des circonstances mêmes de sa mort est née la légende de son enlèvement d par Borée. Quant à moi, j’estime d’ailleurs que des explications de ce genre, Phèdre, ont leur agrément ; mais il y faut trop de génie,

  1. Cette Nymphe, selon la légende, était fille d’Érechthée, le vieux héros de l’Attique. Pharmacée, sa compagne (cf. c) est la Nymphe à qui était consacrée une fontaine, peut-être curative, près de l’Ilissus.
  2. Cette dernière phrase me paraît être, non l’interpolation d’une glose (Alline, Hist. du texte de Platon 267, 3), mais une omission, d’abord rétablie en marge, puis mal replacée dans le texte. Avec la transposition, la suite des idées semble plus naturelle : la réplique de Socrate répond exactement à la remarque de Phèdre, lequel se préoccupe de n’oublier aucune des versions de la légende.
  3. Agra était un dème de l’Attique ; Artémis Agrotéra ou Agraïa n’a sans doute rien à faire ici. Cf. Notice, p. xii.
  4. Au sens propre : celui qui ne suit pas les sentiers battus et dont