Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 3 (éd. Robin).djvu/182

Cette page a été validée par deux contributeurs.
clxxii
PHÈDRE

controverses par demandes et réponses[1] ; quand il dit de tout cela, aussi bien que des spéculations sur la Nature, que c’est jonglerie, parade de foire, monstruosité de la pensée, — il est impossible que Platon ne soit pas compris dans cette réprobation. Isocrate ne peut consentir qu’il décore du beau nom de « philosophie » une étude dont l’ambition n’est d’aucune utilité ni pour la parole ni pour l’action[2].


Les relations personnelles d’Isocrate et de Platon.

Mais, dit-on, cette hostilité contre le chef de l’Académie n’a pas toujours existé ; Antisthène est pour tous les deux l’ennemi commun ; le Discours contre les Sophistes témoigne de ménagements à l’égard de Platon. C’est un témoignage, à vrai dire, qui n’est pas d’une évidence aveuglante ; en jugerait-on de même si l’on n’était pas obsédé par le compliment final du Phèdre ? On fait en outre état de quelques assertions de Diogène Laërce, à l’appui desquelles il nomme ses autorités : Isocrate aurait fait à Platon une visite dans la maison de campagne de ce dernier et leur entretien aurait porté sur les poètes (III 8) ; Speusippe, le neveu de Platon aurait le premier donné la clef de ce qu’on appelle les « secrets » d’Isocrate (IV 2). Mais, s’il est vrai que ces « secrets » soient ceux des variations d’Isocrate dans son attitude envers la Macédoine[3], on y verrait un indice d’hostilité plutôt que d’amitié de la part des Platoniciens[4]. Quant à la première assertion, elle est

  1. Le Parménide et le Sophiste pouvaient-ils être considérés autrement que comme des dialogues éristiques par un esprit aussi rebelle à la spéculation philosophique que l’était celui d’Isocrate ? Au surplus, le mot « éristique » n’avait sans doute pas pour lui l’acception historique définie que nous lui attribuons.
  2. Sur tout cela, voir C. Soph. 1, 3, 6, 21 ; Hél. 1-10 ; Antid. 45, 84, 258, 266, 269, 274, 285 ; Panathén. 29.
  3. Elle aurait été, d’après Speusippe (si la XXXe Lettre Socratique est de lui), primitivement hostile. Cf. H. Gomperz, op. cit., p. 39 ; G. Mathieu, Les idées politiques d’Isocrate, p. 154 sq.
  4. Parmi les ouvrages de Speusippe, Diogène mentionne d’ailleurs (IV 5) un Contre l’ἀμάρτυρος (le discours sans témoignages), dont on peut penser qu’il visait le plaidoyer d’Isocrate qui porte ce sous-titre (Contre Euthynoüs). Cf. Banquet, p. xli n. 2 et ici p. xiv n. 1 : Antisthène l’aurait aussi critiqué dans son Isagogê ou Lysias et Isocrate.