controverses par demandes et réponses[1] ; quand il dit de tout cela, aussi bien que des spéculations sur la Nature, que c’est jonglerie, parade de foire, monstruosité de la pensée, — il est impossible que Platon ne soit pas compris dans cette réprobation. Isocrate ne peut consentir qu’il décore du beau nom de « philosophie » une étude dont l’ambition n’est d’aucune utilité ni pour la parole ni pour l’action[2].
Les relations personnelles d’Isocrate et de Platon.
Mais, dit-on, cette hostilité contre le chef de l’Académie n’a pas toujours existé ; Antisthène est pour tous les deux l’ennemi commun ; le Discours contre les Sophistes témoigne de ménagements à l’égard de Platon. C’est un témoignage, à vrai dire, qui n’est pas d’une évidence aveuglante ; en jugerait-on de même si l’on n’était pas obsédé par le compliment final du Phèdre ? On fait en outre état de quelques assertions de Diogène Laërce, à l’appui desquelles il nomme ses autorités : Isocrate aurait fait à Platon une visite dans la maison de campagne de ce dernier et leur entretien aurait porté sur les poètes (III 8) ; Speusippe, le neveu de Platon aurait le premier donné la clef de ce qu’on appelle les « secrets » d’Isocrate (IV 2). Mais, s’il est vrai que ces « secrets » soient ceux des variations d’Isocrate dans son attitude envers la Macédoine[3], on y verrait un indice d’hostilité plutôt que d’amitié de la part des Platoniciens[4]. Quant à la première assertion, elle est
- ↑ Le Parménide et le Sophiste pouvaient-ils être considérés autrement que comme des dialogues éristiques par un esprit aussi rebelle à la spéculation philosophique que l’était celui d’Isocrate ? Au surplus, le mot « éristique » n’avait sans doute pas pour lui l’acception historique définie que nous lui attribuons.
- ↑ Sur tout cela, voir C. Soph. 1, 3, 6, 21 ; Hél. 1-10 ; Antid. 45, 84, 258, 266, 269, 274, 285 ; Panathén. 29.
- ↑ Elle aurait été, d’après Speusippe (si la XXXe Lettre Socratique est de lui), primitivement hostile. Cf. H. Gomperz, op. cit., p. 39 ; G. Mathieu, Les idées politiques d’Isocrate, p. 154 sq.
- ↑ Parmi les ouvrages de Speusippe, Diogène mentionne d’ailleurs (IV 5) un Contre l’ἀμάρτυρος (le discours sans témoignages), dont on peut penser qu’il visait le plaidoyer d’Isocrate qui porte ce sous-titre (Contre Euthynoüs). Cf. Banquet, p. xli n. 2 et ici p. xiv n. 1 : Antisthène l’aurait aussi critiqué dans son Isagogê ou Lysias et Isocrate.