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PHÈDRE

n’ajoutera foi ; ce que demande au contraire la rhétorique, c’est de la virilité dans le jugement, et là est le secret de la vérité (Nicoclès 41 ; C. soph. 8, 17 ; Hél. 1, 5, 7, 11 ; Antid. 84 ; Panathénaïque 234 d sqq.). C’est pourquoi il est indispensable, si l’on veut être persuasif, de ne rien dire qui heurte les opinions accréditées. Bien plus, on doit les utiliser pour le succès de la cause qu’on soutient : ainsi, ce qui est reçu pour être une belle qualité, on en exagérera l’existence en celui dont on fait l’éloge ; ce sera l’inverse si on est accusateur (Antid. 273 ; Busiris 4).


La dénomination de philosophe.

Cette opposition du vrai savoir et de l’opinion, de l’ἐπιστήμη et de la δόξα s’exprime d’une façon particulièrement significative dans la dénomination que, de l’un et l’autre côté, on revendique pour l’enseignement. — Rappelons tout d’abord comment au poète, au faiseur de discours, à l’auteur de textes de lois, le Phèdre (278 c-e) oppose son dialecticien ; comment il réclame pour celui-ci, non pas le nom de sage ou de savant, mais celui d’homme qui aspire à la sagesse et au savoir, celui de « philosophe » ; parfois, comme si une équivoque était à craindre, il spécifie que le « philosophe » dont il parle est celui qui l’est « loyalement », « dignement » et « au sens droit » du terme[1]. Or ce nom est celui que se donnait Isocrate, et il serait fastidieux de mentionner tous les passages où ce qu’il enseigne est appelé par lui « philosophie ». C’est du reste un nom qu’Alcidamas (2, 15) lui reproche de s’arroger, sans cependant douter lui-

  1. Ainsi dans le Phédon, p. ex. 64 b 9, 67 d 6 et e 3, 69 d 1 ; ou bien ici 249 a 1 (ἀδόλως), 261 a 4 (ἱκανῶς) ; comparer la « droite conception de l’amour des jeunes gens » (ὀρθῶς παιδεραστεῖν) du Banquet 211 b 6. Ordinairement c’est le contexte qui détermine l’acception dans laquelle le terme est employé. C’est ainsi que la comparaison de 239 a 4 avec b 4 permet de penser que, dans ce dernier endroit, la « philosophie » dont il est question, toute « divine » qu’elle est, n’est pas entendue en son vrai sens, mais en un sens rhétorique, puisque c’est du point de vue de la rhétorique que Socrate conçoit son premier discours. Peut-être en devrait-il être de même pour la « philosophie » qu’invoque le Pausanias du Banquet 182 c 1, 183 a 1.