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NOTICE

d’une « commande », tandis que les choses sérieuses exigent le discours parlé (Philippe 25-27). Or ces déclarations semblent avoir pour but principal, dans l’intention d’Isocrate, de prévenir cette objection que, puisqu’il s’est avéré incapable de devenir un orateur politique, autrement dit un homme public, les questions sérieuses de la politique lui sont par là même interdites. — Quant à Alcidamas, il avait expressément envisagé la question dans un traité spécial : Sur ceux qui écrivent des discours ou Sur les sophistes, dont l’authenticité est aujourd’hui généralement admise et dans lequel, en tout cas, on s’accorde à voir une attaque contre Isocrate. Or le point de vue d’Alcidamas n’est pas moins éloigné de celui de Platon, en dépit d’analogies d’expression plus nombreuses. Les gens qu’il vise, ce sont ceux qui mettent leur fierté à écrire des discours où ils prétendent faire montre de leur savoir (σοφία ; cf. Phèdre 258 a 7), simplement parce qu’ils sont aussi impuissants à parler que le premier venu. Ils ne comprennent pas qu’écrire n’est qu’un amusement (παιδία ; cf. 276 b-e, 277 b, 278 d) et un passe-temps ; que le discours écrit est une vaine image, comme celles de la peinture et de la sculpture, tandis que le discours parlé est animé, vivant, adapté aux choses (cf. 275 d, 276 a 9) ; que cependant on peut, en certains cas, user de l’écrit comme d’un miroir où l’on contemplera plus aisément ses progrès passés (cf. 276 d). Gardons-nous donc de nous mettre à l’école de gens qui sont seulement des faiseurs de discours, mais non des maîtres (σοφισταί) capables, ainsi qu’ils le promettent, d’instruire autrui, et qui se font en réalité de la rhétorique et de la « philosophie » une idée inférieure (Sur les sophistes 1 sq., 15, 27-30, 32, 35 ; cf. 12). Sur ce dernier point la suite offrira l’occasion de revenir pour en préciser l’intérêt (cf. p. clxx sqq.).

Ce premier parallèle ne semble donc être nullement décisif. À plus forte raison en serait-il de même pour d’autres rencontres analogues. Ainsi, les trois écrivains sont d’accord pour affirmer la nécessité d’adapter le discours aux circonstances dans lesquelles il se produit (καιρός). Mais ce qui, chez Isocrate (Contra Soph. 12 sq., 16 et al.) et chez Alcidamas (3, 9 sq., 22, 28, 33 sq.), est plutôt une agilité à saisir l’occasion et à profiter de conjonctures accidentelles, signifie chez Platon un discernement méthodique, fondé sur