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PHÈDRE

J’observe simplement le fait, sans prétendre en rien inférer quant aux motifs de ce silence.


Parallèles.

Ceci dit, envisageons les parallèles qu’on peut trouver entre les thèmes du Phèdre et ceux de la rhétorique contemporaine. La plupart me semblent être d’une signification médiocre par rapport à la position chronologique réciproque des écrits en cause et, par conséquent, peu décisifs sur la question des emprunts. Dans un milieu restreint, où certaines questions sont au même moment sur le tapis, il est fatal que reviennent les mêmes expressions sous la plume de divers auteurs, et une revendication de priorité en faveur de tel ou tel semble par là-même fort compromise. De plus, la comparaison des textes fait apparaître à quel point les ressemblances sont extérieures et touchent peu le fond même de la pensée.

Entre tous ces parallèles celui dont on fait le plus volontiers état est celui qui concerne la supériorité du discours vivant sur le discours écrit. On sait assez ce que Platon entend par là (p. lii sq., p. cxli, p. clii). Or, quel est à ce sujet le point de vue d’Isocrate ? C’est qu’il y a des inconvénients à exposer ses idées à quelqu’un dans une lettre ou tout autre écrit et que le tête-à-tête est préférable (cf. Phèdre 275 e 3) : si en effet celui à qui on s’adresse n’est pas instruit de quelque point ou qu’on ne l’ait pas convaincu, on pourra alors lui expliquer ce qu’il ignore ou répondre à ses objections et, de la sorte, défendre ses idées (cf. Phèdre 275 e 5, 276 a 6) ; mais, si l’on n’est pas là, c’est une assistance qui fait défaut autant au correspondant qu’au lecteur lui-même (Lettre à Denys le tyran I 2 sqq.). Pour Platon c’est à l’œuvre écrite, en tant que telle, que manque cette assistance (275 e 5, 276 e 9, 277 a 1, 278 c 6). La pensée d’Isocrate est encore que ce qui manque à l’écrit pour être persuasif, c’est l’autorité personnelle de l’orateur, l’accent de sa parole, l’appui des conjonctures (καιροί) et de l’intérêt qu’offre présentement pour un auditoire l’affaire dont on lui parle ; aussi, ajoute-t-il, n’a-t-on pas tort de surtout voir dans l’écrit une composition d’apparat (ἐπίδειξις) et l’exécution

    possible que dans le Théétète il y ait une réponse à Alcidamas ; cf. A. Diès, Autour de Platon, p. 417 n. 1.