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NOTICE

indiqué que c’était là une dénomination provisoire. Est-ce à dire que, l’ayant jusqu’alors employée, il veuille désormais y renoncer ? Non sans doute, puisqu’il s’en sert encore comme d’un terme technique dans le Sophiste, dans le Politique et dans le Philèbe. C’est à l’intérieur même du Phèdre qu’elle est provisoire, et de fait, quand il cherche quel nom convient à l’homme qui pratique un art de la parole fondé sur le savoir, c’est un autre nom qu’il propose, celui de « philosophe » (278 cd). Qu’il y ait à cette substitution un motif particulier, c’est probable (cf. p. clxx sq.) ; ce qui est certain, c’est qu’il souligne à ce propos l’indication sur laquelle je viens d’insister. Ainsi, la dialectique serait « philosophie » en tant qu’elle est, comme l’amour, une aspiration toujours renaissante, un effort vers le savoir et qui se renouvelle incessamment : de même que, de nature, il y a dans l’amour, à côté d’une déficience irrémédiable, un élan intérieur pareillement indéfectible (cf. Banquet 203 c-204 b), ainsi la philosophie, comprise comme elle doit l’être, comme « la science des hommes libres » (Sophiste 203 c), est une chose vivante et féconde, pour qui les échecs auxquels elle se sait promise seront toujours la raison de nouveaux efforts. Peut-être est-ce pour n’avoir pas compris ce lien de l’amour spirituel et de la philosophie, pour avoir fait de celle-ci une chose définitive et l’objet d’un enseignement figé, qu’Aristote a méconnu la dialectique de son maître. Il l’exclut en effet du nombre des sciences auxquelles, à des degrés divers, il réserve le nom de « philosophie ». Dans le groupe des sciences qu’il nomme « poétiques » et qui étudient les conditions de la création d’une œuvre de la pensée, discours ou poème, la dialectique représente pour lui la science architectonique : c’est qu’elle est, dit-il, celle du vraisemblable et du persuasif. Quoi qu’on puisse dire de l’influence des vues de Platon sur la Rhétorique et sur la Poétique d’Aristote, il n’en est pas moins vrai que, par là, Aristote a complètement trahi la conception platonicienne d’un art de parler qui se fonderait sur un savoir réel, unissant de façon nécessaire à la connaissance du beau et du vrai celle du juste et du bon.

L’Idéal.

Il se peut que cette conception soit chimérique. Le problème qu’elle pose à propos de l’art de parler, c’est en somme le problème général du réalisme et de l’idéalisme dans l’art, et souvent Platon a