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PHÈDRE

la route soit longue et pleine de circuits, il n’importe si elle doit mener certainement au but, au lieu d’être un tâtonnement d’aveugle et de n’y conduire que par l’effet d’une heureuse fortune (272 c déb., d ; 270 de). Quant au but, il est connu : c’est une « psychagogie » légitime. Les caractères du discours qui la constituent attestent assez que ce but est atteint. Ce discours en effet n’aborde pas le sujet avant de savoir s’il ne recèle aucune ambiguïté ; il définit exactement la question (cf. 265 d) ; il n’en poursuit l’analyse qu’après s’être assuré que ceux qui l’écoutent sont là-dessus d’accord avec lui ; il déduit avec ordre et en accord avec lui-même (ibid.) tout ce qui résulte de la définition ainsi posée et acceptée ; bref il ressemble à un être vivant qui a son corps à lui et dont toutes les parties sont réellement solidaires les unes des autres comme de l’ensemble (263 a-c, 264 c, 269 c, 277 bc ; cf. 237 b-d, 238 e sqq.). De plus, en suivant cette « méthode », autrement dit cette route, on donne à l’âme une véritable culture ; surtout à condition de renoncer, sinon en vue de la satisfaction d’avoir fixé ses méditations passées, à la vanité d’immobiliser la vie du discours dans une composition écrite ; à condition de le considérer au contraire comme une semence vivante qui, semée dans une âme propre à la recevoir, y germera pour produire ses fruits et ainsi, indéfiniment, ensemencer d’autres âmes. On voit ainsi quel est l’aboutissement de la route par laquelle nous mène la rhétorique philosophique, art de parler et de penser (266 b) : c’est l’enseignement, mais non pas un enseignement figé et dogmatique ; c’est au contraire celui qui suppose la recherche en commun et un effort vers la vérité, qui est dans l’esprit du disciple aussi vivant et aussi fécond qu’il l’est dans l’esprit du maître. C’est qu’en effet, comme on l’a vu (cf. p. cxli), les liens d’un amour inspiré les unissent l’un à l’autre.


III. La dialectique. — Le fondement de la rhétorique

    l’exactitude au sommet de la hiérarchie des arts, il y en a cependant qui, au moins sous ce rapport, en approchent à des degrés divers, soit dans une certaine façon de les pratiquer, soit par une de leurs subdivisions ; mais la rhétorique n’est aucun de ces arts, telle que Gorgias la conçoit, et, quoi qu’il en dise, elle ne peut donc être le premier de tous.