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NOTICE

traces du dieu, exempt de jalousie, au cortège duquel elles appartiennent. C’est ce désir enfin qui, réveillé dans l’âme par la réminiscence, provoque un enthousiasme, duquel pourra naître ensuite cet amour philosophique où elle trouvera l’élan capable de la ramener à son lieu naturel. Certes, sur ce point encore, le Phèdre ne fait que développer la pensée du Banquet, mais il le fait de façon à lui donner plus de portée et à en approfondir les perspectives. À cet approfondissement se rattacherait peut-être la solution d’une difficulté qui subsistait dans le Banquet (cf. Notice, p. xcvi sqq.) : si l’amour est un mouvement vers un but, peut-être, une fois ce but atteint, ne cessera-t-il pas avec le succès obtenu, mais du moins perdra-t-il son caractère de moteur. Or le Phèdre, par l’image physique du miroir (255 de), représente le mouvement essentiel à l’amour comme un mouvement qui revient deux fois sur lui-même : de l’aimable à l’aimant, puis de l’aimant à l’aimable et, de nouveau, de celui-ci à l’autre. Et l’image ne s’applique pas moins bien à l’amour céleste qu’à celui d’ici-bas. En effet, ce qui meut l’âme dans le ciel, ou plutôt ce qui fait qu’elle s’y meut elle-même, c’est, on l’a vu, le désir de contempler les réalités du lieu supra-céleste, qui sont les aimables absolus. Ainsi c’est en elles qu’est le principe du mouvement, puis il revient spontanément vers elles, et de nouveau il en repart, de façon à posséder une continuité incessante. Par l’éternelle effusion de leur attrait, ces réalités éternelles prolongent sans fin l’élan d’amour qui vers elles avait mis l’âme en branle : elle se meut elle-même parce qu’il y a en elle une soif inextinguible de l’idéal.

Enfin, bien que le Banquet parle beaucoup de l’amour charnel, il est certain que, dans la partie du dialogue où s’exprime la pensée de Platon, le point de vue qui compte est celui de la génération, parce qu’il atteste dans l’ordre de la chair le désir de l’immortalité (cf. 207 a-d, 208 e). Quant à l’amour masculin, ceux qui se complaisent à en faire l’éloge, ce sont les non-philosophes qui prononcent les cinq premiers discours. Il s’agit ensuite, tout au contraire, de dégager l’amour de cette gangue de sensualité, pour insister finalement sur l’aspect spirituel d’un amour qui désire surtout la possession éternelle du bon et du vrai (cf. 210 bc ; 211 de ; 209 a, c-e ; 217 e sq. ; 219 a-c). — Assurément