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NOTICE

chaque astre ; mais il est certain qu’elle est un dieu et, vraisemblablement, un dieu qui a son corps approprié ; donc un vivant analogue au vivant que nous sommes, mais d’une espèce supérieure (Lois X 896 e-897 c, 898 c-899 d ; XII 967 ab, de ; cf. Timée 30 bc, 38 cd, 40 a-d et aussi Philèbe 28 a-30 d).

Ainsi se pose une deuxième question : les âmes des dieux meuvent-elles le corps visible des astres, étant logées en ceux-ci comme nos âmes le sont dans nos corps ? Ou bien pour cela leur faut-il un autre corps à titre d’instrument nécessaire ? Ou bien enfin sont-elles dépourvues de toute solidarité de ce genre et meuvent-elles l’astre en vertu d’on ne sait quel mystérieux pouvoir ? À la vérité Platon ne prend pas parti : une seule chose importe, c’est qu’on ne doute point de l’excellence de telles âmes (898 e-899 b). Son incertitude semble donc concerner moins l’union même de l’âme au corps que le mode de cette union. Au surplus, si dans le noyau de sa constitution l’âme est déjà un composé dont un élément est-ce que le Timée appelle le Divisible selon le corps (cf. p. cxxii), on voit mal comment une telle union ne serait pas nécessaire. L’âme est par nature ce qui se meut soi-même, mais c’est pour être le principe inengendré et impérissable du mouvement de tout le reste (Phèdre 246 a déb.) et, par conséquent, de la génération, c’est-à-dire de tout l’univers de notre expérience. À cet égard il y a dans le livre X des Lois (904 ab ; cf. p. cxxv n. 1) un texte particulièrement instructif : pour que la génération soit impérissable, y est-il dit, il faut que le corps ne soit pas moins impérissable que l’âme. C’est donc que, corrélativement, ils sont aussi nécessaires l’un que l’autre, non sans doute au même rang, par rapport au commencement de la génération à partir de la spontanéité automotrice de l’âme. Que l’Étranger athénien se borne, il est vrai, à déclarer que ni l’un ni l’autre ne sont éternels et que l’éternité appartient seulement aux « dieux légitimes », il n’y a pas lieu d’en être surpris : ce n’est pas à des philosophes qu’il s’adresse. Mais, si ses interlocuteurs avaient entendu les leçons de l’Académie, peut-être comprendraient-ils qu’il ne peut y avoir d’autre éternité divine que celle des réalités intelligibles (cf. p. xciv et n. 3).

En résumé il n’y aurait pas d’âmes entièrement « séparées », fussent-elles des âmes de dieux. Dans le ciel, aucune âme ne