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NOTICE

avec l’image réfléchie sur le miroir est l’expression dans le Phèdre (cf. p. ciii) : elle prétend expliquer la naissance de l’enthousiasme par une sorte d’irradiation qui se propage à partir de la Beauté absolue ; ainsi, deux âmes communient dans un contact avec le divin, bien plus avec ce qui est le principe même du divin (250 a, 249 c). Si elles ne font pas ce qu’il faut pour conserver ce contact, pour profiter de la bénédiction qui leur est échue, alors l’enthousiasme aura le sort de tout autre semblable don divin : il s’éteindra soudainement ou par degrés. Pour qu’il n’en soit pas ainsi, il faut que toute l’âme y porte intérêt ; autrement dit, que l’intellect, si l’on peut dire, prenne en main l’émotion et que l’amour devienne philosophie, allant de la sorte à ce qui est l’aimable vrai, la réalité de la beauté et non plus une image de cette réalité (256 c, 250 d 7). Or cette conception présente de remarquables analogies avec la théorie de la divination qu’expose le Timée (71 b-72 b). Il semble tout d’abord qu’en celle-ci l’âme inférieure soit seule en cause. C’est en effet grâce au foie, dont la place est au-dessous du diaphragme, qu’est possible la divination : dans certains cas, ce sont des images terribles qui, venues de l’intelligence, se réfléchissent sur le miroir poli de sa surface et aussitôt il se rétracte et se ride ; inversement, quand de l’intellect émane une « inspiration » contraire, il retrouve son poli et ce sont des images de vérité qui viennent s’y réfléchir. Mais ce n’est pas à celui qui a reçu ces images qu’il appartient de les interpréter : c’est au sage, parce qu’au sage seul il appartient de se connaître lui-même et d’agir selon ce qui est dans sa nature. Ainsi faisait le philosophe quand il mettait en œuvre l’émotion dont la Beauté intelligible est la source. — Au reste certains traits du Phèdre s’expliqueraient fort bien par cette théorie. Pour échapper au péril d’avoir à faire l’éloge de l’homme sans amour, Socrate va repasser la rivière : c’est que de son démon, interprète d’une intelligence divine (cf. Banquet 203 a), lui sont venues obscurément les images terribles d’un péché qu’il allait encore aggraver. Mais alors de l’intelligence sont émanées d’autres images qui lui ont rendu sa sérénité : il les a interprétées et, en comprenant son péché, le sage a découvert la pénitence qui convient. Aussi se dit-il un « devin », de petite envergure il est vrai, et assure-t-il qu’en l’âme réside un pouvoir de divination, et cette divina-