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NOTICE

Le salut.

Encore n’est-ce pas d’ailleurs sans restriction. Platon, il est vrai, concède à l’âme déchue, une fois qu’elle a vécu selon sa prédestination une première existence et que celle-ci a été dûment sanctionnée, le choix d’une nouvelle existence ici-bas. Mais c’est un choix qui, comme on l’a vu, est limité, annulé presque, par les circonstances qui l’entourent, une échappatoire qui permettrait à Dieu de dégager sa responsabilité (p. xciii sq. et p. lxxxiv n. 1). Choisir ainsi sa destinée, c’est au surplus se prédestiner soi-même, car la destinée, une fois choisie, est irrévocable (Rép. X 617 e, 620 e sq.). Comment dès lors Platon peut-il nous offrir l’espérance consolatrice d’un salut qui serait en nos mains ? Comment celui qui, par malheur, se sera trompé dans son choix fera-t-il pour « tenir toujours la route qui mène vers les hauteurs » ? Le seul conseil positif qui soit donné à cet égard, c’est, pendant cette vie, d’écouter les vrais philosophes comparer la valeur des diverses conditions humaines, expliquer les risques de méchanceté inhérents à certaines d’entre elles et raconter à cet effet des mythes eschatologiques (cf. p. cxv sqq.) ; si d’autre part on est convaincu que l’âme est immortelle, on se mettra de la sorte en état la prochaine fois, mille ans plus tard, de faire un meilleur choix (618 b-619 a, 621 c et la fin du Gorgias). — Peut-être le Banquet aiderait-il à comprendre le sens de ce conseil. Alcibiade est-ce qu’il doit être, du bon et du mauvais, en vertu de la condition que son âme a choisie avant de rentrer dans la génération. Or le déroulement de son destin se croise avec celui du destin de Socrate. Mais en ce dernier c’est seulement l’homme qu’il admire et qu’il aime ; il se bouche au contraire les oreilles pour ne point entendre les leçons de la philosophie et pour mieux écouter en lui-même l’appel de l’orgueil et de l’ambition. Pourquoi donc tout ce qui en lui était mauvais est-il devenu pire, au point d’étouffer ce qui y était bon et pouvait devenir meilleur ? Parce qu’il vivait au sein d’une société corrompue et corruptrice, où les passions ne pouvaient être dominées par la voix de la philosophie (cf. Banquet, Notice p. xcix sqq.). Bref, si le salut est possible, s’il ne faut pas désespérer d’apporter un remède aux erreurs originelles et aux autres, on devra demander à la philosophie de recréer l’état social, de régénérer par de saines mesures le troupeau humain, de prendre le gouvernement. C’est ce dont justement la Répu-