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NOTICE

ce qu’il cherchait, puisque la République, au terme même de cette argumentation, remet à plus tard de connaître l’âme dans la vérité de son essence (cf. p. cxix sq.). La preuve décisive, celle qui dérive de l’essence, serait donc la preuve qui se fonde sur la propriété qu’a l’âme de se mouvoir elle-même, celle qui est commune au Phèdre (cf. p. lxxvii sqq.), au Timée et aux Lois (X 894 e-895 c, 896 ab). Un seul point vaut qu’on y revienne. Comme le Phèdre, le Timée attribue en effet à l’âme l’automotricité et il en fait le principe pour les siècles des siècles d’une vie ininterrompue ; il nous accorde à nous-mêmes l’immortalité dans la mesure où, par l’exercice de l’intellect, nos âmes imitant les mouvements qui résultent de cette automotricité essentielle (36 e-37 b, 90 cd ; cf. 43 a-44 b). Mais d’autre part il admet un « divin commencement » de ce mouvement sans défaillance dont l’âme, une fois sortie des mains du Démiurge, « a commencé de » se mouvoir elle-même. Or, tout au contraire, de ce que l’âme est-ce qui se meut soi-même le Phèdre infère qu’elle « devra être à la fois inengendrée et immortelle » (245 e sq. et p. 35 n. 1)[1] : c’est donc qu’elle n’a pas non plus commencé de se mouvoir ; il l’affirme avec force et il en donne les raisons (ibid. c-e). La comparaison des deux passages est intéressante justement en ce qu’elle nous permet de mesurer la portée, dans le Timée, du mythe de la fabrication de l’âme et des commencements de sa vie immortelle. On sait que Xénocrate, le second successeur de Platon à la tête de l’Académie, que Crantor, le premier commentateur du Timée, se refusaient à prendre à la lettre cette histoire de la naissance de l’âme et du monde ; qu’Aristote ait fait le contraire, la raison en est que sa polémique trouve son compte aux inter-

  1. Le passage des Lois, X 904 ab, où il est dit que âme et corps ne sont pas quelque chose d’éternel (οὐκ αἰώνιον) comme le sont les « dieux légitimes », mais qu’ils sont l’un et l’autre indestructibles, ne contredit pas ceci. L’αἰών en effet c’est l’éternité, et d’aucune façon il ne pourrait être question d’éternité pour une chose composée, sinon en ce qui concerne tel ou tel de ses composants. Au surplus le Phèdre dit simplement que l’âme est inengendrée, et non pas qu’elle est éternelle. Quant au Timée, il déclare (37 d, 38 c) que l’éternité (αἰών), immobile et une, n’appartient qu’au modèle, c’est-à-dire aux Intelligibles, et que les divers astres doivent être plusieurs images mobiles et numériquement mesurables de cette éternité.