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PHÈDRE

autrement que par analogie l’essence propre de l’âme ; faute de quoi on devra se contenter de dire que l’âme a toutes les chances d’être immortelle. — La meilleure preuve, au reste, que là-dessus Platon ne s’est pas satisfait, c’est que, dans le livre X de la République, on le voit de nouveau en quête de ce caractère essentiel de l’âme duquel on pourrait déduire son immortalité. Or, si en cela il se réfère au Phédon, ce n’est que par prétention, lorsqu’il fait allusion (611 b, s. fin.) à l’existence d’autres arguments, qu’il y aurait lieu par conséquent de remplacer ici par des raisons plus décisives ; de fait, tandis que Socrate pourrait, par avance, donner à Glaucon, qui ignore si l’âme est immortelle, quelques uns des motifs de le croire qu’il en alléguera au moment de mourir, c’est au contraire un argument entièrement différent qui est alors présenté[1]. Ce qui fait périr une chose, c’est, dit-il, le mal qui est en elle ; si donc inversement il y a une chose que son mal ne fait pas périr, cette chose doit être par essence indestructible ; or, si la mort est infligée à l’injuste, c’est là une peine qui atteint seulement son corps et qui est propre à celui-ci ; elle laisse entière la cause de cette peine, savoir l’injustice, un mal qui est celui de l’âme ; puis donc que le mal de l’âme survit, tel quel, à la mort du corps, c’est qu’il y a survivance aussi de l’âme elle-même ; autrement, le supplice ne serait pas une punition, ce serait bien plutôt pour l’âme une guérison et la fin du mal dont elle souffre (608 d-611 a). Quant au corollaire qui suit (611 ab), s’il complète une des raisons du Phédon, c’est en la retournant : si un anéantissement d’âme, y lisait-on (72 a-d), était possible, ce serait bientôt l’anéantissement universel, car l’âme est le principe de la vie ; réciproquement, dit la République, la quantité d’âme ne peut s’accroître dans l’univers sinon aux dépens de ce qui meurt, de sorte que tout y finirait par être immortel. Qu’en conclure ? C’est que, avant la génération et leur existence d’union à un corps mortel, les âmes sont quelque part, et de même après la fin de cette existence ; que le nombre enfin en est fini. Or c’est justement ce qu’exprime le Phèdre par sa double eschatologie (cf. p. lxxxvi sqq.).

Il semble bien pourtant que Platon n’a pas encore trouvé

  1. L’antériorité du Phédon sur la République n’est contestée par personne.