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NOTICE

ligence indéfectible. Il est toutefois probable que Platon fermait les yeux sur ces difficultés de la tripartition. En effet dans les Lois, qui sont son dernier ouvrage, il attribue à l’âme, dont il veut prouver qu’elle est première par rapport au corps, une égale convenance aux états passifs comme aux états actifs ; en elle il met, à côté de la pensée pure, les jugements vrais ou faux, c’est-à-dire l’opinion, les dispositions du caractère c’est-à-dire un certain « comportement », des aspirations et des délibérations, des souvenirs et des préoccupations d’avenir, enfin des émotions et des passions, des joies et des peines, de l’assurance et de la crainte, de la dilection et de la haine : ce sont là les mouvements causes-premières qui, prenant en charge les mouvements causes-secondes, les conduisent à leurs effets qualitatifs et sensibles[1]. Or tout cela s’applique à l’âme en tant que chose qui se meut en elle-même et qui, à ce titre, est principe premier de tout mouvement ; exactement comme dans le Phèdre il s’agit d’une âme qui, en vertu de sa nature même, a la préoccupation et la charge de ce qui est dépourvu d’âme, corps du monde ou corps d’un homme (246 b 7 et p. 36, n. 1). En résumé toute la diversité qui est dans une âme humaine appartient aussi à l’âme divine, mais elle s’y trouve dans une harmonie et un équilibre parfaits.

N’y a-t-il pas cependant, entre ces deux conceptions extrêmes de la simplicité de l’âme et de sa tripartition, un stade intermédiaire auquel la pensée de Platon se serait un moment arrêtée ? Peut-être le trouverait-on dans la doctrine du Timée. Les émotions, aussi bien celles qui sont nobles et généreuses que celles qui sont passionnées et grossières, y sont en effet présentées (42 ab, de ; 69 c-70 b) comme n’appartenant pas à la nature essentielle et primitive de l’âme : elles caractérisent une autre espèce d’âme, l’espèce mortelle, celle que les démiurges inférieurs ont mission de fabriquer afin de constituer des âmes humaines. — Mais, si l’on examine de près cette exposition, une première remarque paraît s’imposer. Quand Platon passe en revue (69 cd) les états caractéristiques de cette espèce mortelle de l’âme, c’est d’une façon péjorative qu’il les détermine : ce sont des émotions violentes et qui nous contraignent ; c’est le plaisir en tant que princi-

  1. Lois X 894 c, 896 cd, e sq. ; cf. Timée 46 de. La dernière idée est un élargissement d’une indication du Phédon, 98 c-99 c.