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NOTICE

Étymologies.

Peut-être y a-t-il quelque témérité à rapprocher de l’emploi du mythe celui que Platon a fait de l’étymologie. Sans parler du Cratyle, où il est d’ailleurs fort possible que certaines étymologies soient pour lui un objet de risée, nous avons ici même (244 b-d) un échantillon assez significatif ; bien plus il arrive dans le Phèdre que l’étymologie serve à tirer du mythe la leçon qu’il comporte (cf. 230 a et p. 6, n. 2). Il me semble difficile d’admettre que Platon se soit amusé avec une pareille complaisance à se moquer de lui-même : un jeu qui se prolonge à un tel point cesse d’être un jeu, et l’ironie devient fastidieuse à force de se répéter. Sent-on d’ailleurs quoi que ce soit d’ironique dans les étymologies qu’on trouve encore dans les derniers dialogues, ou dans le Timée (43 c, 45 b, 62 ab) ou dans les Lois (IV 714 a déb. ; XII 957 c s. fin.) ? Platon me semble user de l’étymologie ainsi qu’il use du mythe, comme d’un moyen secondaire de rendre tangible une intuition que, pour des raisons accidentelles ou profondes, il est incapable de révéler sous une forme scientifique.

En résumé, ce qui résulterait de la considération du Phèdre, c’est qu’entre les mythes traditionnels et ceux de Platon il n’y a pas de différence quant à la forme ; c’est toujours une histoire : l’histoire des âmes, l’histoire de la procession des Dieux, l’histoire des Cigales, l’histoire de Theuth. Si les étymologies sont elles-mêmes une variété du mythe, c’est qu’elles tentent de retracer l’histoire vraisemblable de la dénaturation d’un langage primitif. Mais toute cette histoire n’est pas immorale, comme celle de la mythologie. D’autre part elle ne prétend pas être une vérité, comme ces « contes » sans agrément que les Physiciens veulent nous faire prendre pour argent comptant, ainsi qu’une expression fidèle de la réalité (cf. Soph. 242 c). Il s’ensuit que seul est en droit d’employer la vraisemblance du mythe, celui qui sait ce qu’est la vérité, et comme un moyen de préparer l’âme à recevoir celle-ci.


2. L’âme.

On a vu tout à l’heure (p. cix) que la conception de la triplicité de l’âme qui s’étale dans le Phèdre avec un réalisme si cru était au contraire fondée dans le livre IV de la République sur une analyse de nature logique. Y a-t-il des anticipations de cette doctrine