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NOTICE

leur éclat dans leurs images terrestres, l’amour qu’elles allumeraient ainsi dans nos âmes serait le plus ardent qui se puisse. À la vérité, même au temps aboli des visions préempiriques[1], le resplendissement de la Beauté était sans pareil. Du moins est-ce un fait qu’ici-bas encore ses images sont les seules qui aient de la clarté par elles-mêmes : c’est à la vue qu’elles s’offrent, et de tous nos sens c’est le plus pénétrant ; elles possèdent un charme qui leur est propre.

C. — Il y a lieu toutefois (250 e sqq.), en ce qui concerne l’impression produite par les images de la Beauté, de voir quelles en sont les différences selon les sujets qui la reçoivent. Chez les uns l’initiation a perdu sa fraîcheur, elle l’a gardée chez d’autres[2] ; les âmes des uns se sont perverties, celles des autres ont été réfractaires à la corruption. Il s’ensuit que, à la vue de l’objet aimable, toutes ne sont pas également promptes à se porter sur les ailes du souvenir vers la Beauté absolue. Bien plus, certaines se comportent en amour à la façon des bêtes, d’autres poussent même le dérèglement jus-

    et plutôt mal que bien, l’air de famille de ces réalités absolues ; peu nombreux sont en outre les législateurs capables de produire de tels instruments (cf. 258 c déb.) et le code de la conduite (les nomima) n’est l’œuvre que de Sept Sages. C’est justement l’obscurité et l’indistinction de telles images qui détermine Platon à entreprendre de fonder la société sur de nouvelles bases.

  1. Toutes les expressions dont se sert ici Platon viennent sans doute du vocabulaire des Mystères. En tout cas elles doivent être rapprochées de ce qu’il y a d’analogue dans le Phédon 67 ab et dans le Banquet 209 e sq., 210 e, 211 c-212 a.
  2. Qui sont ces derniers ? Sans doute il peut s’agir d’âmes qui sont depuis peu incarnées ; non bien entendu d’âmes nouvelles, car si la quantité d’âmes (c’est-à-dire de principes de vie) est constante (Rép. X 611 a ; cf. Phédon 72 a-d, Lois X 904 ab), une telle nouveauté est inconcevable. Ce n’est pas d’ailleurs pour les avoir perdues depuis trop longtemps que les âmes oublient les visions idéales ; c’est parce qu’elles entrent dans la génération et justement parce qu’elles s’unissent à un corps (cf. Phédon 75 d, 76 cd). Ne s’agit-il pas plutôt d’âmes en qui, par l’éducation ou par l’amour philosophique, la sève de l’initiation préempirique a vu sa fraîcheur renouvelée (cf. 251 a-c) ? Leur cas s’oppose très naturellement à celui des âmes dont il a été question auparavant et qui, s’étant laissé corrompre, sont incapables d’un tel renouveau.